vendredi 11 juillet 2008

The OC : The Original Copperhead

Hier soir, le fond de la nuit était tiède, vous avez, ce genre de nuit qui vous rendent soucieux et vous enveloppe de leur torpeur chaude et poisseuse.
Un peu comme quand vous faites l’amour, sauf que là vous êtes seul à vous retourner dans tous les sens sans avoir une traître chance de trouver le sommeil.
On tombe alors dans un état de demi conscience embrumée et on cauchemarde.

Personnellement, j’ai rêvé que j’étais un GI dans la tourelle d’un tank à Bagdad, et le pire, c’était que j’adorais ça (sûrement un des effets de ces amphétamines de guerre top secrètes).
Je dégommait béatement des insurgés (ou des civils, peu m’importait) à coup d’arme automatique télécommandée avec une joie sadique malsaine.
Comme dans un jeu vidéo, viseur digital et vision nocturne. Un mec au coin d’une rue avec une arme automatique, j’ajuste et BAM ! Un obus de 20 mm l’engloutit dans un nuage de fumée et de poussière qui le vaporise immédiatement. Rebelote avec un autre quidam KABOOM ! Une jambe en moins et il s’étale sur le bitume, considère sa jambe manquante de manière incrédule, gigote un peu et KAZAM, plus qu’un trou béant. Dérangeant non ? A coup sûr le contre coup de valse avec Bachir.

Un aspect important de cette incroyable (et pour le moins politiquement incorrecte) expérience était que comme tout bon péon californien qui se respecte, j’écoutait à plein pot le seul et unique album publié de Copperhead, grand groupe de rock local, dont la reconnaissance se borne injustement aux frontières de ce pays - état.
Il faut dire que la profusion de bons groupes de hard rock au début des années 70 ne les a pas aidé, en dépit de la notoriété déjà acquise de certains membres de ce combo.

Un déficit de connaissances bien malheureux que nous allons tenter de combler ici.

Une formation un peu cousine de nos adorés Flamin Groovies, la passion pour le rockabilly en moins et la virtuosité soliste insolente du très sémillant baba cool John Cipollina (Un ex combattant du Quicksilver Messenger Service dont le son de guitare bien reconnaissable a marqué son époque, perso je l'aime bien mais je le trouve un peu énervant à la longue).
Un bretteur hors du commun, vêtu de chemises à fleur col pelle à tarte chatoyantes, gratouillant les cordes de sa SG Custom à l’aide de picks à doigt à la manière des joueurs de banjo.

Le vieux John avait marre des pérégrinations feignantes des QMS, passant leur temps en vacances à Hawaii (véridique) et tirant un peu trop sur les spliffs en dédaignant les sessions entre amis que notre homme adorait.
C’est déçu qu’il quitte sa formation et retourne seul dans sa bonne ville de San Francisco, bien décidé à durcir encore son rock et produire enfin un album solo. Pour se faire il met sur pied une équipe composée de vieux amis et de musiciens d’expérience Jim Mc Pherson aux guitares et clavier (ex- Stained Glass), Gary Philippet aux mêmes instruments (ex- Freedom Highway), le discret Dave Weber (il est à présent agent immobilier dans le Connecticut)à la batterie et le requin de session Hutch Hutchinson, ils seront à présent Copperhead (pas le groupe de rock sudiste débile des années 90).

Les premières répétitions et concerts s’enchaînent tant et si bien que le groupe finit par réunir un public de plus en plus large, ce qui, il faut le dire attire l’attention des maisons de disque.
Columbia décroche la timbale et le groupe entre en studio en Octobre 72.

Ce premier album éponyme est un véritable témoignage du format d’album typique des 70s, contenant moins de 10 chansons taillées pour le sillon de vinyle.

L’ouverture de la première chanson donne le ton : les cordes méchantes sont de sorties, une voix adolescente énervée prend les devant, sur une rythmique heavy et le son sonne…résolument garage, une trahison envers les hippies de la région. L’ensemble sonne comme un crash de Ford Mustang en plein désert. La chanson parle d’un nouveau sport, le Roller Derby envoûtant le office dude de base, désirant tout sacrifier, femme et enfant compris, pour habiter à Oakland, de l’autre coté de la baie, la ville des bombers, son équipe vénérée.
Une chronique de la vie moderne, à mon avis fortement inspirée de la nouvelle de l’époque Rollerball Murder dont sera adapté par la suite le film RollerBall, premier du nom (qui a d’ailleurs traumatisé durablement mon père, alors adolescent, rien que les affiches, résolument 70s sont un vrai délice).

Le deuxième titre « Kibitzer » rend hommage au grand Hendrix, rien de moins, avec jeu de guitares flamboyantes, solos interminables et effets stéréos et électroniques balbutiants.
Le morceau suivant « Little Hand » louche le plus vers l’ambiance piano bar limite Beatles, il semblera manquer de saveur pour l’auditeur contemporain, autant le dire.

Cependant ne désespérez pas après ces deux prestations qui, il faut le dire, manquent de personnalité.
La piste suivante est tout bonnement excellente « Kamikaze » décrit à la perfection des derniers instants et états d’âmes d’un jeune kamikaze en vol pour sa dernière mission. La guitare languissante de Cipollina et ses trouvailles japonisantes (cloches et cithares) rendent à merveille l’ambiance du moment, fait d’exaltation aveugle et résolue et de terreur pure. Le tout se terminant sur une apocalypse sonore tirée d’archives renversantes. Le plus est que le songwriting est étayé par des paroles crédibles, car note guitar hero était, à l’instar des Ramones, passionné par la seconde guerre mondiale.

Le pas suivant empruntera une voie que nous pourrons qualifier, en tant que musicologues amateurs avertis de Flamin Groovienne à base de piano Jerry Lee Lewis, de rythmique fainéante et de méchantes attaques guitares voix cassées déchirantes, comme si la guitare voulait faire sauter les étoiles de la voix lactée unes à unes. C’était « Spin-Spin » messieurs dames.

On a le sentiment que enfin le diesel Copperhead chauffe et les accélérations donnent des frissons. On en a la preuve avec « Pawnshop Man » littéralement, l’homme préteur sur gages qui commence langoureusement et se durcit, puis finit sur des cathédrales de chorus échardées de guitares croisées qui vous emportent vers un Everest sonique dont la crête s’estompe progressivement dans le brouillard de nos perceptions.

Je suis désolé mais« Wing-Dang-Doo » me rappelle encore les Beatles époque « Don’t you know it’s easy » blablabla. Et le titre de rime à rien, Dylan, je n’aime pas énormément ce mec, mais il m’a influencé sur le titre de choix particulièrement pertinents. Ce con n’a pas loupé son coup alors j’imagine. Merde.
Oulala vous aller trouver que je suis un peu dur, le maniaque de service qui rêve qu’il tue des gens, mais pourtant j’adore ce groupe, un peu comme le jury de la nouvelle star (c’est facile, ils aiment tout).

Enfin ne soyons pas soupe au lait car le groupe reprend la main avec «They're Making a Monster », chanson faite de diverses variation rythmiques bluesy très bien faites.
San compter avec la voix légèrement réverbérée façon Moïse dans le désert, une véritable chanson suintant la solitude mentale réelle et complète.
La dernière chanson « Chameleon » ressemble encore diablement à une Beatleserie à la sauce américaine réalisée par les Groovies , et heureuse de l’être.

Le constat final est désarmant, on aimera, ou au moins on éprouvera de la sympathie pour se combo attachant et talentueux dont le deuxième album (pourtant fini) n’a jamais été édité par Columbia.
Mais l’auditeur moderne, et par essence impatient sera peut être vite lassé par quelques solos, qui, si géniaux soient-ils paraissent parfois encombrants, et une personnalité générale encore à creuser, manquant encore de maturité, la franche tentation à la comparaison facile pour une moitié de l’album en est la preuve.

Le parti pris courageux du groupe, celui de produire une musique dure et planante à la fois se heurte au poids des années, le dur reste merveilleux, mais les entrelacs aériens un peu longuets se flétrissent avec le temps, mais il n’y a pas de regrets à avoir, ils ont au moins eu le courage de tenter. Essayer c'est déjà arriver comme dirait l'autre.

L’auditeur moyen, charmé et attendri roulant sur la highway 101 ne peut que penser avec émotion à ce que serait devenu ce très bon groupe, avec quelques années de plus au compteur.
Le rock, c’est souvent comme la vie: 1% de merveille pure et 99% de gâchis.
Oulà, je me mets à la philosophie de comptoir, il est temps que j’arrête pour aller regarder Koh Lanta.




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