lundi 20 juillet 2009

Le phénomène Twilight: tranche de romantisme MDD ou porte des étoile ?


Ok ok ok, pas mal de gens me connaissent et savent qu’un de mes seuls et uniques buts dans la vie est de poursuivre de mes ardeurs des petites bourgeoises bien nées et aux minois fort plaisants. Si vous ne m’avez jamais rencontré je pense que vous avez pu le subodorer bien que mes goûts oscillent entre la mise en plis, perlouzes et petits fours (pas très rock, bien qu’elles en écoutent plus que la moyenne française, en comptant dans la catégorie les BB Brunes bien sûr) et les white trash du Kentucky, charmantes, fleurant la sueur sucrée, le gloss bon marché embaumant tout entier leur magnétisme juvénile vulgaire et effronté.

Les secondes n’étant pas légion en région parisienne et en proche banlieue, je me vois obliger de tourner mes efforts vers la première famille de nymphes : les bourgeoises.


Ce hobby me force donc naturellement à observer leurs mœurs, leurs us et coutumes, leurs hobbies et toutes sortes d’activités capables de me rapprocher de ces délicieuses créatures.

Celles-ci se pâment justement en ce moment même sur un film, que dis-je ? Une véritable saga realistico-fantastique moderne mettant en scène humains et vampires du nom de Twilight.

N’écoutant que le sens du sacrifice, du dévouement et de l’analyse qui me caractérise je me suis empressé de regarder ce film, un bloc note et une bière fraîche à portée de main.

Et bien je n’ai pas été surpris du tout, encore un teen movie poetico-romantico fantastique sur fond de nuages et de lumière bleuie dans la plus pure veine des experts Manhattan. Le scénario est même plutôt faible, bien qu’attendrissant. Une chose m’a cependant intéressé au plus haut point. Je laisserais ici mes oripeaux de satyre retardé et je vais parler d’un gros mot : la sensibilité. Twilight est avant tout la perpétuation d’un genre très ancien, celui du roman fiction historico-fantastique. Un style et un genre qui a connu de magnifiques heures sous les plumes de Schwob, Matheson, Lovecraft, et Edgar Poe. Il a eu en France des Représentant aussi distingués que Mérimée, et Victor Hugo. Pas le genre de roman de gare à l 'eau de rose pourri que vous pouvez trouver au Carrefour Market de Tournus en Saône et Loire. Je le sais, je les ais feuilleté après un plein de gazole et une traque pour un pack de panaché. Ce genre, ce film ou plus précisément les romans qui en sont à la base découlent en ligne directe de cette noble et prestigieuse lignée.

Nous retombons alors dans ma chère théorie fumeuse qui est celle des « portes d’accès », des succédanés assez intéressants et suffisants pour attiser chez le sujet l’envie d’aller plus loin et de fouiller ce champ culturel dont les racines vont souvent très loin.

Même si ces supports sont souvent considérés par l’intelligentsia comme vulgaires, fades, grossiers, approximatifs, putassiers voire carrément insultants pour l’intellect du consommateur de biens culturels. Ces personnes n’ont pas compris que ces supports sont facilement accessibles et attractifs, massivement diffusés et capable de toucher un public plus large, plus jeune et un peu moins ouverts sur les grands classiques de la littérature française et internationale.

On peut alors se prendre à rêver de voir ces chères têtes blondes se pencher sur tous ces beaux écrits, comme « Loki » ou « La couleur tombée du ciel », des pièces de littératures élaborées, sophistiquées passionnantes, pop, voir pulp avant l’heure et pas du tout prise de tête.

On parle aussi dans le film du morceau « Clair de lune » de Debussy, un grand pianiste romantique qui pourrait pousser ces jeunes adultes vers Satie et Berlioz, voire Chopin…Ils pourraient se cultiver librement, sans contraintes et surtout en se faisant plaisir, bref, l’épanouissement total dans la jouissance de l'esprit.

Je sais pertinemment que vous voyez déjà avec déception le sujet de ce post s’évanouir dans les limbes de mes divagations nocturnes, et vous n’avez pas tout à fait tort.

J’ai bien évidemment conscience de vos attentes et espérances concernant la scène rock mondiale et mes vues plus que hasardeuses et personnelles en la matière. Je vous prie de ne pas trop en tenir rigueur. J’avoue que Twilight comme thème craint un peu, mais je suis un peu comme Wilde (en un milliard de fois moins talentueux, bien sur), je regarde les étoiles allongé dans le caniveau. Ça donne un petit quelque chose agréable, un espoir un brin réaliste.

Puis j’ai fait une chronique de « Valse avec Bachir », donc ça rattrape ma street cred cinoche. La prochaine fois que je voudrais parler de ce que je ne connais pas, j’aurais la décence polie et la correction élémentaire de prendre un Godard que je porterais aux nues.

De toute manière, soyez honnête une seconde et avouez- le :

C’est aussi ça le rock, une conception très romantique de la vie, stylisée et poussée à l’extrême ce qui conduit souvent à des clichés malheureux du genre « Sex, Drugs and Whatever ». Si vous êtes assez bête ou fou pour croire au Rock avec un grand « R », c’est que vous êtes quelque part un romantique, il y a donc un peu de Twilight en vous, que vous le vouliez ou non.

Même si je suis sur et certain que ces crétins d’ados préféreront avant tout trouver sur le net des photos de Robert Pattinson et de Kristen Stewart à poil.

Voilà, la boucle est bouclée. On revient le plus vite possible avec une belle chronique d’album, argumentée, originale, sensée, drôle et intelligente. Promis.

mercredi 1 juillet 2009

Purple heart

Tout le monde avait été trompé. Niqué. Entubé. Arnaqué. Une jeunesse stupide, dispersée aux quatre coins des cinquante états des Etats Unis d’Amérique vivait enfin son rêve. Ils avaient obtenu ce qu’ils voulaient. Les copains rentraient enfin du Vietnam, l’herbe circulait, leurs tomates bio poussaient bien. Le gouvernement avait enfin toléré l’existence de communautés autonomes dans le désert, enserrées dans des mobil-homes rouillés, hébergeant paisiblement des hordes d’enfants de l’amour dans d’épaisses volutes de prog rock psyché.

Ces gens là, comme beaucoup, avaient oublié. Oublié beaucoup, voire trop de choses. Surtout oublié que leur pays était finalement le plus génial du monde. Celui qui avait vu naitre le rock and roll et s’envoler Elvis, Chuck Berry, Buddy Holly et Little Richard vers des firmaments incroyables. Cette bannière sur laquelle ils crachaient, c’était eux tous. Cette énergie féroce primaire, cette spontanéité et cette sincérité, ils l’avaient perdu, égaré en route au tournant de la fin des sixties. Elle s’était définitivement étiolée et évaporée à chaque bouffée de joint, à chaque gobage d’acide. Ils s’étaient tout bonnement perdus en route.

Seuls des poignées de parias incompris continuaient en 1972 à touiller ce qui était considéré par la classe hippie bien pensante comme un brouet réactionnaire et passéiste infâme.

Ils répondaient au nom de Stooges, Velvet Underground, New York Dolls. Les francs tireurs, les derniers des mohicans, réunissant des poignées de partisans éparts et agitant le maquis à grands coups d’albums terminaux, de concerts sauvages et de happenings réjouissants. Des passeurs pour les générations futures. Ceux qui nous intéressent ici sont les plus méconnus d’entre eux : les Moderns Lovers.

Les moins connus car les plus classiques, conformes et sages. Cette apparence ne saurait pas égarer le jugement du mélomane averti. Le leader charismatique des Lovers était en effet Jonathan Richman, bon à rien et fan notoire du Velvet qui file rejointe son groupe fétiche à New York sitôt le bac en poche. Il traine 9 mois las bas à squatter le canapé du manager du groupe et rentre dans sa Boston natale (ville aussi fertile de groupes que la grosse pomme, les Pixies vous le confirmeront), métamorphosé, il se met dans la tête de créer chez lui un groupe au moins aussi bon. Il sonne chez un vieil ami d’enfance et guitariste John Felice, le bassiste Rolf Anderson et le batteur David Robinson qui répondent présent. Les deux derniers claqueront la porte un an plus tard. Pour être remplacés par des étudiants de Harvard (oui Madame), Erny Brooks et Jerry Harrison. Richman porte les cheveux courts et le complet cravate, bardé de ses deux nouveaux acolytes, ce groupe n’incarne pas les clichés rock de l’époque. Le groupe joue dur, tourne dans la région de Boston et écrit ses premiers morceaux qu’il enregistre pendant des sessions parfois entrecoupé d’un an. Le combo est finalement signé sur Warner et parvient à décrocher comme producteur John Cale, en bon fanatique du Velvet. L’album éponyme qui nous intéresse ici aura donc été enregistré à la coule, durant maintes sessions et en différents endroits sur plus de 4 ans, car sorti en 1976. Album d'ailleurs sorti après la dissolution du groupe, un véritable patchwork pour que la major puisse enfin se mettre quelque chose sous la dent et remplir les caisses. Une trajectoire cométaire illustrant parfaitement le style détendu et carrément j’men foutiste du combo.

Pas de performance vocale, de torse poilu dégoulinant de sueur. Une nonchalance provocante, pourquoi se donner du mal à hurler comme tout le monde ? Pourquoi le faire quand une poignée de mots jetés dans un micro à la va-vite fait bien plus que 120 db vomis par le premier routier du coin ?


Autant le dire tout de go, l'album commence avec ce qui est devenu avec le temps un classique. "Roadrunner" est aux jeunes automobilistes en fugue et désœuvrés ce que "Born To Be Wild" est aux bikers du monde entier. Le morceau retrace en quelques minutes la plénitude qui vous saisit, lorsque vous vous laissez guider par la direction souple d'une Lincoln, les fermettes du Massachussets déroulant dans leurs écrins de verdure, et la radio crachant ses standards dans son flot de décibels. Le groupe ne renonce pas aux grandes parties de clavier et de cornemuse (John Cale ?), rien n'est trop beau. Rotten, l'avait compris, cette chanson sera une des premières reprises par les tous jeunes Sex Pistols alors appelés "The Strands". Les rêveries et l'ennui adolescent (tonight I'm all alone in my room, I go insane) la décrépitude morale et sentimentale qu'ils engendrent, la source de regrets insondables qu'ils entrainent sont une thématique majeure du groupe. "Astral Plane" parle de solitude et d'abandon, cet avion dans lequel embarque le jeune Richman est celui de ses rêves. Celui qu'il prend avec sa petite amie qui ne se pointe jamais. Un vol de nuit version 1976, servi par des nappes de synthés et une guitare grattée à l'os, rappelant certaines parties de Copperhead.
Le groupe vient de Boston, une des grandes cités patriciennes de Nouvelle Angleterre, une des plus anciennes, fondée par les premiers colons arrivés dans le nouveau monde. Une ville charmante au demeurant que ce groupe adore, elle et son conformisme désuet servi par de gentils parents. La piste commence comme un Morceau du Brian Jonestown Massacre. Bourrée de bons morceaux de l'ancien monde "I love the 50s !" entend-on, le groupe cultive ses racines et ne crache sur rien, surement par sur les mythes de leur enfance. "Old World" est aussi l'occasion d'insister sur un superbe échange clavier-guitare, un ensemble dynamique composé de gammes savamment orchestrées.
Avec "Pablo Picasso", on assiste tout bonnement à la naissance de la New Wave moderne. Tout se trouve sur ce fond de machisme admiratif pour l'artiste: Les parties de guitares des Talking Heads "Pyschokiller" en particulier, le ton modéré de la voix, mixée en retrait, le rythme entêtant de batterie.
Si on Pouvait soupçonner les Modern Lovers de ne pas porter dans leur cœur les hippies, tout doute est levé avec "I'm Straight', où Jonathan crache sur Hippie Johnny, (celui qui n'a pas de colonne vertébrale) le petit copain de la fille qu'il aime. Il explicite clairement qu'il veut prendre sa place, et que c'est lui le plus malin, le meilleur. Aucune chanson ici, juste un monologue, un texte parlé, et si le coup de fil désespéré dont parle Richman était tout simplement cette chanson?
La piste suivante renferme un joyau de l'imaginaire des Lovers, la relation de couple inexistante, et la solitude qui fait gamberger, le doute, les amis qui partent. Le futur, cette lourde chape de plomb qui effraye, mais pas notre héro, il sera "Dignified and old", et plus jamais seul. Ce morceau enferme aussi de petites innovation et des initiatives des plus séminales pour le mouvement punk en général. En premier les chœurs scandés de manière brouillonne et en seconde les parties de guitares agressives, adoucies par une basse langoureuse et des dentelles de clavier.
L'énergie punk se dévoile plus sur la chanson suivante: descentes de bases, rythme binaires et guitares bourrées de treeble, riffant la même chose en boucle. C'est cela "She Cracked", une copine infidèle qui fait des conneries, bien trop de conneries, une complainte énervée de petit ami bafoué, qui partageait pourtant des hobbies avec elle, par exemple "les choses européennes de 1943", comme...comme c'est curieux, les Ramones.
"Hospital" peu se lire en deuxième acte de la première chanson, la copine sort de l'hôpital, et lui le chanteur, est toujours amoureux d'elle, malgré tout. Le désespoir, l'hésitation et le doute, une chose qui a fait faillir bien des hommes, vous, moi y compris. La mélodie hispanisante et le rythme slow chanté par une caisse claire reverb (qui a dit 80s ?) montre la direction que la musique en général, ne va pas tarder à emprunter. Les accès de rage rappellent des Doors et leurs incantations voix-clavier. Ce n'est pas une chanson, mais une déchirure interne tant le chanteur souffre. Ce groupe mérite décidemment bien son nom.

Le break d'entrée de "Someone I Care About" part lui aussi comme une fusée. On remarquera que le thème encore abordé sera la recherche éperdue de l'amour, le vrai. Une quête menée rage au ventre. Aussi tendue que le beat de batterie, aussi aigrelette et monomaniaque que ces guitares rachitiques et obsédante. Aussi lancinante que cette base hypnotique. La recherche de l'amour absolu et suprême comme ultime but, un graal exutoire. Les Lovers veulent y tremper leurs lèvres.

La ballade la plus touchante et mélancolique de l’album est très vraisemblablement « Girlfriend », dont vous aurez remarqué la subtile allusion au thème principale de la chanson. Ici les voix se calment et l’ensemble devise lentement, accords plaqués et caressés sur les manches des guitares, comme le ferait votre propre main sur la paume moite d’une délicieuse inconnue. Le piano et la voix solitaire donne au morceau des airs de vieux dancings trash, du genre que l’on trouve dans les vieux Novotels de province pas encore rénovés. Vous savez, ces lieux aux sous-nappes roses, où les serveurs ont des cravates vert d’eau et où l’on s’assoie dans de grandes chaises en rotin peintes en blanc, qui grincent et crissent. Le morceau se termine sur une partie de guitare exquise.

Après ce court interlude de romantisme new age assumé, c’est justement de ce « Modern World » dans lequel il évolue que parle la chanson suivante. Une décharge d’adrénaline qui commence avec un break de batterie sans appel et mixe de vieilles guitares rockabilly avec un batterie simpliste, les chœurs remettent à nouveau à plat les premiers motifs punk tissés depuis le début de l’album. Cette chanson est un hymne à l’Amérique, ce qui est rare en 1976 après Vietnam et Watergate. Voilà enfin une chanson d’optimisme, qui parle, je vous le donne en mille, encore d’amour: “Well the modern world is not so bad, Not like the students say, In fact I'd be in heaven, If you'd share the modern world with me ”.

Les Lovers croient tellement à ce mode fantastique et rieur qu’ils décident, d’emmener leur sarabande dans les bureaux des fonctionnaires, faire danser dans les postes et les ANPE. L’atmosphère délétère est renforcée par un piano de Luna Park déjanté, grand instigateur de bazar.


Car oui, les Modern Lovers on contribué, directement ou non à le mettre un certain printemps 1976, il allait arriver en Europe en 1977. Le reste de l’histoire, vous la connaissez plus ou moins bien. On n’aura à reprocher à ce groupe qu’une seule chose : avoir eu raison trop fort et trop tôt. Sacrifiés sur l’autel des fulgurances incomprises, et oubliés du grand public, le sort peu enviable des génies.