dimanche 13 décembre 2009

De l’art d’être un douchebag


Je suis profondément désolé, mais je quitte quelques instant (comme très souvent) le giron du rock bête et méchant. Nous allons feuilleter ensemble quelques de ces pages HTML poisseuses pour nous rendre directement au rayon « art de vivre »

De nombreuses expressions d’origine nord américaine s’insinuent peu à peu dans nos habitudes culturelles et linguistiques.

Si beaucoup tiennent du milieu professionnel


« Hé Gerard, tu nous fait un reporting du ranking asap concernant le mapping, grouille, enfin, je dis ça, c’est juste pour être corporate… »


Vous remarquerez bien sur que les plus fervents adeptes de ce type de langage ont un niveau d'anglais atrocement en bas.L'acculturation américaine est bien plus intéressante et instructive quand on récupère celui de la rue.

Qu’elles aient battu le huileux macadam new yorkais ou l’aride bitume de Sacramento. Car elles se chargent, au fur et à mesure de leur évolution et de leur développement de significations simples, aussi imagées que croustillantes.


Une des plus merveilleuses est un terme péjoratif, décrivant les beaufs stupides, imbus d’eux même et fiers de l’être. Ce terme est celui de « douchebag », un terme hérité du vocabulaire médical. Décrivant un objet assez spécial, aux usages plus que scabreux.

En bref, le douchebag est un gentil blaireau imbu de lui même, cultivant un style vestimentaire profondément affirmé et revendiqué, ainsi qu’un style de vie communautaire et grégaire.

Leur terrain d’action et d’expression privilégié étant celui des soirées.

Ces aventuriers de la nuit s’adonnent lors de celles ci à leurs activités favorites. C'est-à-dire : la consommation de grosses quantités d’alcool (souvent à l’occasion de jeux à boire régressifs), la démonstration de virilité sans retenue, la blague grasse et stupide et bien sur la drague intensive des filles les plus aguicheuses et légèrement habillées de la soirée.

Et bien, mes amis, c’est ici un plaidoyer, que dis-je, un cri d’alarme lancé dans les limbes du web. Vous allez me demander pourquoi. Et je vais vous répondre.


Que cela vous plaise ou non, les douchebags sont les derniers hommes libres de notre temps.

Dans un monde bridé par les conventions sociales et les certitudes entendues, ces garçons là sont les derniers tenants de la liberté, des poètes du quotidien et des adeptes forcenés du décalage. Aux même titre que les surréalistes, ils traduisent par leurs actes un certain de degré de liberté et d’indépendance.

Le fait d'effectuer des actes réprimés par les conventions éthiques et morales collectives constitue une véritable révolte en soi.

Celle de l’indépendance et de l’insolence, aussi idiote et stupide qu’elle soit. On rejoint ici la première étincelle primaire et sublime dans la prunelle du sans culotte de 1789.

Cette étincelle immédiate et irréfléchie, celle dont ont fait les plus grandes révoltes et les plus grands mouvements.

Sans le relais de ces braves douches, thuriféraires et gardiens sacrés de cette furia irraisonné, celle dont on peut faire émerger (à condition de la maitriser au bout d’un moment) les plus grandes choses.

Croyez-moi, sans cette dernière, Diderot, Voltaire, Rousseau, Danton, Robespierre et consorts ne seraient pas allé bien loin.

Alors certes, leur révolte quotidienne, involontaire, vaine, dérisoire, emprisonnée dans certains contextes et périodes fixes, très strictement limités dans l’espace et le temps.

Les douchebags ne sont pas des Che Guevara sponsorisés par des marques de gel douche.

Disons le, ils sont même atrocement con.


Mais...


Mais...


La prochaine fois qu’en soirée, vous les croiserez, bien sûr moquez vous d’eux, bien sûr soyez outrés par leur attitude, bien sûr, considérez les de manière hautaine, mais faites le comme vous le feriez d’un attachant ancêtre cro magnon.

Un ancêtre, qui après quelques verres d’alcool nous ramène à nous même et à nos contradictions.

Un reste d'animal politique merveilleux, sociable, fort, et fier de l'être. Chérissez les comme des briques de Lego, celle dont on bâtit les plus beaux édifices


Oui mes amis, renier le douchebag, c’est renier une partie (plus ou moins importante) de nous même. Que vous le vouliez ou non.


Et mesdames, vous pourrez même lui faire un petit bisou, il sera tellement content.


Si vous voulez en savoir plus, voici une mine d'info sur les douchebags du monde entier.


Aller, je retourne écouter quelques bon albums de rock pour vous en parler ensuite.


PS: Je sais que j'ai un probèle de CSS, je bosse dessus, merci.

dimanche 15 novembre 2009

La danse des zombies

Comme chacun est sensé savoir depuis Roméro et Argento, les zombies sont insensibles aux balles, du moins sur le long terme. J’aime bien les films de zombies quand ils sont bien faits et souvent quand ce sont les zombies qui remportent la partie malgré les canons sciés, les katanas et les vieilles phaétons 50’s pimpées façon Evil Dead avec des sulfateuses et des gentes platine.
C’est toujours plus drôle quand c’est finalement ces beaufs de undeads squatteurs de Mall qui raflent le pot, arrachant au chrono dans d’ultimes efforts les derniers nichons des héroïnes jailbait- yankees- hystériques qui malgré le fait qu’on puisse se procurer un Glock en allant signer un contrat d’assurance n’arrivent pas à charger une Kalachnikov alors qu’un africain de 10 ans défoncé à l’héro aligne des pièces de cinq centimes à cent mètres sous 40 degrés en matant le dernier Desplechin sur son laptop.
C’est là sans doute l’avantage des undeads d’écouter du garage malgré leur lenteur sans doute causée par des décennies à se faire chier vivant à écouter MGMT et les Fleet Foxes en pensant que peut être le prochain White Stripes ne sera pas trop mal et qu’on pourra prendre le Noctilien ou rouler bourré en Velib en l’écoutant sans avoir honte.
Les zombies sont les vengeurs magnifiques, parangons ad patres de mythologie punk (la seule). Comme tous les autres badass qui ont essayé un jour de changer le monde et ont finis crevés ou retirés à fumer des joints de thaïlandaise dans des vallées californiennes, les damnés sont les justiciers rock n roll post mortem...

Aussi, à l’image de Matt Murdock qui écoutait sans doute Ben Harper avant de devenir DareDevil et passer cash à du Dick Dale en lattant des techniciens braille d’ascenseur, ou Johnny Blaze, forain foireux fan des Eagles, transcendé en Ghost Rider broyant l’asphalte et hurlant du Monster Magnet, on serait étonné de savoir ce qu’écoutent ces anciens bobos quechuas en poussant leur caddie et en bavant d’inextinguibles diatribes (qui pourraient s’apparenter à du Birthday Party en yaourt). On serait étonné de retrouver dans leur Ipod de chair, pelle mêle, ni plus ni moins que du Link Wray, du Hasil Hadkin ou du Teenage Jesus and the Jerks. Ces goules sont la représentation sordide du prix à payer, notre purgatoire et notre apocalypse en somme, étape ultime avant d’accéder à la teuf ad vitam aeternam avec open bar Corona, schoolgirls 60’s lascives et battle slam Adolf versus le reste du monde. Quoiqu’il en soit, on y passera tous un jour, et, forcé d’écouter les Ramones en titubant de notre jambe en lambeau, on arrachera nous aussi fièrement les guiboles magnifiques de nos anciens pairs qui pensaient tout comme nous que tolérance faisant loi, on pouvait écouter impunément Coldplay en faisant ses courses de thé japonais au dailymonop du coin.

Voila comment j’en viens au gun club, car finalement s’il devait y’avoir une divinité testamentaire en un au delà zombie, c’est sans doute Jeffrey Lee Pierce et son gang cannibale qui porterait dignement le flambeau salvateur, haranguant les cohortes boiteuses à aller bouffer les oreos des derniers salauds qui pensent encore que Queen est un groupe respectable. Leur histoire est donc un peu la notre, tantôt glorieuse, tantôt poisseuse, d’une rédemption incertaine. Ici, c’est de malédiction dont on parle, cette même malédiction du génie qui fait encore mouiller la lettreuse en robe-baggy et vans, persuadée que le génie est beau, adolescent, torturé, mélancolique, forcément rimbaldien. Non le génie est gros, sent la pisse et la mauvaise piquette, le génie porte les stigmates de son rayonnement, le génie est un martyre ordinaire, ni plus ni moins qu’un monstre parmi les autres. Cet horrible génie là meurt dans l’indifférence, ayant égrené comme des chapelets des giclées acides de blues blanc dans les bars de L.A, défié le diable avec imprudence afin d’entrevoir un royaume de secrets non révélés. C’est aussi ca être un génie, ne plus être pilote en son navire et naviguer les yeux bandés un étage en dessous de la ligne consciente de flottaison…

Alors que les années 80 et Mtv s’évertuaient rigoureusement à digérer et à vomir sous la forme ignoble des Clapton, Vaughan and co les derniers vrais vestiges de toutes les quêtes de rédemption et de transcendance (le Crossroads de Johnson, l’illumination et la philosophie de Crowley etc), ces fossoyeurs à l’image des Cramps dont ils ont un temps partagé le guitariste Kid Congo Power, s’amusaient en toute impunité avec la sous culture pop/tribal américaine, reprenaient Hasil Hadkins , Elvis , se grimaient en pin up de la Hammer et vampirisaient le blues du delta sur fond de passionnât punk. Fire of Love en ce sens est une déclaration d’intention, le premier volet d’un triptyque éventrant à la hache les racines du mal.

Dirions nous que c’est peut être ça le truc blues authentique, une guitare seule, ivre, trébuchant sur les notes dans des soubresauts convulsifs d’aigus et de graves, des slides paresseux voilant les notes et les énervant jusqu’au mince file tendu de leur agressivité, de leur délicate ultra violence. Aussi le gang De Jeffrey Lee Pierce prêchait le blues, donnant à boire dans des coupes sanctifiées le ventre mou de l’Amérique du Mardi Gras, de Salem et des troubadours cajuns, hurlant à qui voulait l’entendre les psaumes écorchés des terres rouges et les comptines hillbillies de pauvres bougres venus voler le soleil et invoquer la pluie. Le gros Jeffrey jouait à réveiller les morts, pillait les tombeaux des grands mythes nègres, dansait dans des cercles de feux en marchant pieds nus sur les dernières braises incandescentes de la désillusion punk.

Il faut entendre sa voie s’enrouler et percuter à pleine vitesse les lignes de riffs épileptiques de « Sex Beat » qui introduit l’album, décrivant l’attraction malade des corps, la danse convulsive des amants au bord des piscines de motel dans la moiteur du sud californien. Il faut capter l’énergie primitive, tout ce sang qui irrigue le cerveau. Musique déraisonnable, blues psychobilly indécent joué les tripes à l’air devant les falaises. « Preaching the Blues » (repris de Son House) annonce la couleur, c’est un sacerdoce, une quête de sens, une irrépressible ascension profane. Jeffrey s’égorge, fait face aux démons des grandes plaines en chevauchant les arpèges comme autant d’Hurricane cocktails avalés à la volée dans un bar de la Nouvelle Orléans. Et quelle voix, bon Dieu, quelle voix… Celle-ci colle avec la même rage aux complaintes énervées qu’aux ballades lumineuses sur fond de violons à la John Cale. Car Jeffrey était aussi un poète beat, un voyageur des périphéries. « Promise me » comme « Brother and Sister » sur « Miami » ou « Moonlight Motel » sur « Las Vegas stories », suggères les drames de stations services et l’étrange mélancolie des routes de nuit, les phares collées à l’asphalte; romantisme road movie sur fond de swamp country, voyage guidée par les lignes et les flashs lumineux qui passent à toute vitesse et s’effacent en une danse psychédélique dans le fog des marécages.

L’hypnotique bottleneck de Kid Congo entre à nouveau en éruption tandis que Jeffrey retrouve son groove insolent sur le brulot suivant. Si Morrison hurlait touche me, c’est la pointe de l’aiguille qui touche ici sur « She’s like Heroin to me », et à l’amour (physique ou pas) d’être une addiction de plus, une source violente d’extase et une irrépressible chute (« she’s like heroin to me, she can not miss a vein »). Et le prêcheur fou de dégainer à nouveau ses grigris de marabout sur « For the love of Ivy », tribute furieux à la déesse des Cramps ensorcelée où le groupe fait le lien avec ses pairs, la boucle est bouclé, (« You’re just like an Elvis from hell. »). Il en faudra peu après au Pierce pour s’aventurer et se perdre dans un mysticisme païen, descendre dans les enfers après avoir traversé le Styx sur un radeau d’opiacé, voir si Elvis jamme avec Johnson ou si Hendrix tricote des notes de Stratocaster avec des morceaux de lave en fusion.

La verticalité prend ici tout son sens, à la fois Orphée et Prométhée, Jeffrey dégringole dans les abysses et gravit les volcans, portant des coupes de feu et se faisant voyant sur « Fire Spirit » (« I can see clearly from my diamond eyes »). Aussi, cet état révèle les fantômes des larrons maudits qui hantent les tableaux de l’Amérique, voyageurs crucifiés, vagabonds errants écorchés par la vie, zombies d’interstates laissant des trainés de souffrance et de mauvaises histoires. Comme sur « Ghost on the Highway », le furieux « Jack on the Fire » ou le presque goth « Black Train », Jeffrey embrasse à la mort ces spectres qui sont les mythes de l’Amérique alternative, se confondant en bluesman alligator sur l’inquiétant « Cool Drink Water » pour finir dans un dernier soubresaut rock n roll avec « Goodbye Johnny » comme il a commencé, en conteur amoureux et damné.

Un zombie d’opérette finalement que ce Jeffrey, le genre qui pourrait dire des vers de Bukowski en laissant filer sa rage comme un train de nuit dans lequel pioncent encore quelques clodos célestes, arrachant à la lune des histoires à dormir debout. Jeffrey après cela devancera sa propre réincarnation anthropophage et contrairement à Huysmans choisira la bouche du fusil au pied de la croix, c’est quand même beaucoup plus rock n roll.

Maxence

samedi 14 novembre 2009

Maxence, le retour

Les lecteurs les plus fous ou les plus assidus d'entre vous auront repéré parmi ce tas d'immondices scripturaux de belles contributions de rédacteurs extérieurs. Ceux-ci soulageant, éduquant et divertissant à la fois le taulier de ce blog.

L'une de ces plumes (il n'y en a eu que deux après tout) a été tenue par le sémillant et bouillonnant Maxence, un des hommes ayant vécu sur terre les plus concernés par le rock, depuis Iggy Pop.
On lui pardonnera pour cette raison son obsession pour les Jeunesses Populaires et les femmes chauves.
Pour vous faire patienter, vous pouvez vous (re)délecter de son précédent forfait commis sous cette URL.

Vous pourrez ainsi fantasmer sur le sujet et la teneur de son prochain papier, l'un aussi excitant que l'autre.

Le post en question arrivera très vite, je ne suis pas si sadique. Alors sortez le whisky, videz les cendriers et serrez vous sur le canap'.

mardi 13 octobre 2009

Thank you, come again !

L'inde occupe une place à part dans le panthéon des imaginaires du rock.
De la période indienne d'Harrison à la grande utopie Woodstock, on a souvent lié ce pays au mouvement prog' et hippie, joints chargés, patchouli et atonie à tous les étages. Des hordes d'occidentaux partirent pour Pushkar et son lac sacré, certains sont restés et sévissent toujours, en peignant sur des serviettes éponges d'atroces champignons hallucinogènes hilares fluorescents faisant la ronde.
Vous l'aurez compris, ils se trompent. Les Indiens se foutent royalement de toute notion de musique rock.
Je revois encore Kooldip (aussi sympa en vrai que son prénom) faire une petite moue embarrassée sur les plus grands titres des Beatles et jubilant la seconde d'après sur une espèce de merde RNB indienne suraiguë saturée de vocodeurs et de violons électriques.
Autant le dire tout de suite: J'ai compris que le rock hindou était une douce illusion occidentale entretenue par Ravi Shankar, feu Georges Harrison et Anton Newcombe. Tous d'excellents musiciens mais déformant allègrement la réalité (n'est-ce pas d'ailleurs pour cela qu'on les aime autant?).
Il manquait une synthèse, un curry adouci, un tandoori délayé dans un peu de crème fraîche au milieu de cette violence auditive.
C'est heureusement chose faite avec Cornershop (ou l'épicier du coin pour les non anglophones), un groupe monté par deux anglais d'origine indienne. Leur démarche, aussi complexe et variée que drôle (imaginez un rappeur choisir pour blaze "L'arabe du coin de la rue"...). Dans cette formation, les frères Singh s'adjoignent deux autres anglais pour touiller ensemble rock, musique indienne traditionnelle, musique électronique, et parfois RNB tendance vieille soul.


N'ayons pas peur des mots, l'album ouvre en trombe avec une charge aussi choquante que monumentale et bien exécutée, elle a pour nom "Who Fingered Rock'n'Roll". Les cithares aussi fainéantes qu'acérées soutenant un chanteur moderne sur un fond de guitares coupantes outrageusement 60s couplé avec des cœurs évadés d'un double album d'AC/DC, tout est juste irréel.
Le clip est un petit chef d'œuvre à lui tout seul, merci Claude.
Le deuxième morceau, s'ouvre avec autant de facilité et de joie de vivre que le premier rot d'un nouveau né. Ce titre nous embarqué vers un univers pop pscyhé accessible.
Un asile qui n'est pas situé dans la chasse gardée des stoners. Un vrai moment d'hindi pop (aha indie pop...ok) relax et décontracté. Le genre que l'on ressent sur le chemin de l'école par beau temps, les frères Singh vont à la "Soul School", la meilleure, celle où une interro surprise ne vous attend jamais.
Place à présent à ce que l'on pourrait qualifier d'interlude, "Half Brick", la naissance de l'interlude soul-funk tribute, du jamais entendu, à part sur quelque chanson oubliée de Pepe Deluxe.

Place maintenant à la chanson éponyme de l'album, "Judy Sucks A Lemon For Breakfast".
Un titre, qui, rien qu'à la lecture est vecteur de nombreuses promesses délicieusement implicites.
Ne laissez surtout pas votre imagination lubrique prendre le contrôle et penchons nous sur le cas de cette chanson. Une œuvre magnifiquement et délicatement ouvragée où se mêlent toutes sortes d'instruments clarinettes, violons, percussions, grandes harmonies vocales, trompettes,guitares dans une farandole aussi fine qu'équilibrée.
La chose est loin de l'ambiance bal musette Benabaresque que l'on pourrait s'imaginer.
C'est dans ce genre de moment que la pop anglaise habile évite les écueils de notre nation dérivant vite vers la Bourrée Berrichonne.
La ligne de basse gironde et les aiguillions électriques divers ont vraiment tout pour flatter nos oreilles fatiguées. Puis ce texte, que veut-il dire ? Quel est ce citron qu'elle suce au petit déjeuner, quand Jojo boit tout le jus du matin? Mystère.

A rajouter dans les inclassables de cet album "Shut Southwall Down", qui est une sorte de medley dance indianisant reprenant une conversation téléphonique en espagnol dans le texte.
L'influence indienne se fait plus évidente sur les mélodies décalées et ternaires de "Free Love". Chantée en dialecte local (avec le phrasé bouleversant du jeune premier de Bollywood, tous ces Deepaks, Dickeshs et autres Ravis chantant sur le toit des trains ou tout simplement dans l'espace) sur fond de violons et cithares.
Bonne chance pour comprendre le fond du texte, si vous n'habitez pas le quartier de la Chapelle ou si vous ne sortez pas de langues O'.
La magie opère sur "The Roll Off Characteristics (Of History In The Making)", les trombones tous droit sortis de Sergent Pepper ouvrent le bal aidés de cithares et de piano.
La chanson est constamment saupoudrée de petits riffs se mélangeant aux instruments avec virtuosité. La basse charpente tout le morceau et ajoute encore au joyeux et adroit bordel (dieu, ce piano!).
Sans aucun doute, ce groupe appartient bel et bien à une école mélodique anglaise de haute tradition (comme certaines bières d'abbaye).

Les musiciens ne perdent pas la main avec "Operation Push", une chanson si cool qu'on la croirait échappée d'une BO de Shrek ou d'un film de Judd Apatow. Les tresses d'instruments divers se mêlent aux discours de pasteurs évangélistes, on ne sait plus d'où sortent tous ces petits chocs et ces buzzements, cette montagne de micros sons. Les fab four évoqués dans le texte ne sont vraiment pas loin.
"The MIghty Queen" commence de manière plus traditionnelle, on sent que T-Rex n'est situé qu'à quelques décibels au dessus. Voilà du bon pop rock, pas le genre de daube qui traine sur OUI FM.
La piste suivante "The Constant Springs" est une envoutante mélopée vintage, elle débute sur le même riff que "In The Streets" de Big Star.
Ce titre sonne comme qui si vous jouiez à Pong sur votre Commodore, muzak à fond, en calbut' les pieds posés sur votre table basse en formica, un pétard aux lèvres le dimanche matin. Et oui, le bonheur tient à peu de choses.
La chanson suivante s'apparente déjà plus à la pop indienne jouée sur les transistors saturés et suraigus des bouges de Delhi et de Bombay. Les instruments tintinnabulent et les mambos tapent sur "Chamchu" (wtf).
Le folklore indien ne nous quitte pas non plus sur The Turned On Truth (The Truth Is Turned On), il rejoint même des cœurs soul tout de velours vêtus. Un peu plus et on se croirait au Live 8. Le signe que ce combo ouvert à tous les sons est fan de musique noire.
Les cathédrales d'harmonium et de claviers sont tout bonnement affolantes, se déploient et se déroulent comme par magie, un peu à l'image de ces économiseurs d'écrans à formes 3D multicolores qui rendent fous passé quelques secondes d'exposition oculaire.

Oui, c'est cela que nous Livre Cornershop, le psychédélisme du quotidien.
Ces jolies petites choses, si infimes et décalées, qu'elles charment autant qu'on les oublie en un seul éclair. Charge à vous, chers lecteurs, d'en garder le souvenir ému.

mardi 15 septembre 2009

Fucking and punching

Passons directement s'il vous plaît sur le non-événement de la énième séparation du groupe Oasis.
Une douleur que les frères Gallagher cesseront d'infliger à leurs fans, dès que leur pécule aura été transformé en pintes de lager anglaise (faiblement maltée), descendues le coude nonchalamment appuyé sur le bar de bois vernis et ciré d'un pub, lustré par des générations de gros hommes rougeots et quasi-chauves.
Un de mes amis, Claude pour être précis a développé à l'égard de cet album une théorie intéressante.
C'est ce que l'on appelle un album de réconciliation. C'est le seul capable de vous faire changer d'avis sur cette bande de lads en goguette.

Un pur ramassis de hooligans violents, imbus d'eux même, mégalomanes et monomaniaques, bagarreurs et fondamentalement anti-français.
Mes amis, c'est vous dire la qualité de la pièce que nous avons sous les yeux. Un album récent, mais remuant ce qu'il faut d'énergie et de grandiloquence naturelle vulgaire pour qu'elle puisse faire effet. Il faut dire que 2002 était pour le groupe une époque bénie où les tensions semblaient enfin apaisées entres des membres maintenant matures et calmes...
Force est de constater que l'effort démarre en trombe, comme une Austin Mini surgonflée, désireuse d'avaler le plus de route possible, et, pourquoi pas, celles du monde entier.
Les premières minutes de l'album ne nous contrediront certainement pas sur ce point. "Hindu Time", Un orgue sali et des guitares déviantes saisissent d'entrée l'auditeur, la voix du chanteur enrouée et fainéante fait quelque chose que beaucoup de gens avaient oublier : oser.
Oser tout, faire honteusement rimer "soul" et "rock'n'roll", parler de drogues, se laisser porter par des guitares. Cette ballade spirituelle et plane renoue enfin avec une grande tradition anglaise révérée par les frères Gallagher, ces fils d'irlandais composée des Who, des Beatles et autres Kinks.
Faites, vos valises le fucking rock and roll shebang repart, à fond la caisse.
Le complexe bordel s'efface et les sentiments les plus primaires reviennent, colère, haine et excitation pure, l'ADN de l'Homo Erectus se réassemble pour injecter des doses de testostérone comme "Force of Nature". Le surhomme de Nietszche réapparait, cristallisant sur fond de guitare énervées, couinantes et maltraitées. Noel règle ses comptes avec les groupies et profiteurs de tout poils, qui lui fument son herbe et lui piquent son blé, sans se faire trop de mouron.
Le western moderne des années 2000, c'est bel et bien Oasis, compacte et carré qui nous le donne avec "Hung In a Bad Place".
Un larsen brise le silence, laissant place à une cavalcade de Mustang. On imagine facilement les frères desperados dans le bon la brute et le truant, sautillants sur la pierre tombale du magot, une cravate de chanvre autour du cou, les yeux brulés par le soleils et les lèvres marron en lambeaux.
Le nord de l'Angleterre devient celui du Mexique et la tamise prend des goûts de Rio Grande.
Ces forfanteries prennent (momentanément) fin avec une chanson apaisante, pur moment de gentillesse et de consolation, ce qui est véritablement rare de la part de nos larrons. "Stop Crying your heart Out" et ses violons fait soudainement de vous le héros tendre et sincère d'une teen comedy américaine. Notre rêve à tous. Ces monstres auraient-ils in cœur ?
C'est d'ailleurs ce que beaucoup de personnes on reproché à cet album, être un mélange de guimauve facile et de flons flons un rien rentre dedans.
Pas démontés pour deux sous, les deux frères réitèrent le coup de la tartine à la fraise avec "Songbird", dont ont jurerait une reprise des Beatles new age. Les guitares acoustiques, pianos et tambourins se dépoussièrent, et on jurerait entendre le talon de Mac Cartney battre la mesure sur le linoléum d'Abbey Road.
Ils faut dire que les Gallagher on un certain dont pour les formules pleines de morgues, si solanelles qu'on les prendrait pour les auteurs des premiers mots de la constitution américaine. "Little By Little" n'est pas qu'une ôde à la fratrie virile. Il faut entendre la guitare crier aux alentours de 3 minutes 30, et les accords tout droits sortis d' "Heroin", s'éffançant dans le silence pour comprendre la mission druidique de ces payens modernes.
"A Quick Peep" se rapproche quand à elle des petites saillies studios de l'univers 60s et 70s, le petit son d'orgue sonnant comme celui de Deep Purple en est la preuve.
Le groupe reste fidèle envers ses influences, avec des harmonies de voix éhontément piquées aux grand Fab Four. "Probably All In The Mind" tente juste de se demarquer par des solos de guitares, interminables se tordant dans les infinis dyonisiens qui transparaissent dans cet album.
On jurerarais "She Is Love" une trouvaille de titre du Brian Jonestown Massacre. La similitude ne s'arrète pas là, les parties de guitares folk, d'orgues et de tambourins se chargeront de vous en convaincre. Enfin la nouveauté, que de temps parcouru depuis 1995, année autour de la quelle a été touillé pour la première fois sur la côte west des états unis. La musique ne voyage donc pas vraiment à la vitesse su son (ohoh, quel bon mot).
L'album se termine par la plage la plus longue de tout l'album où ces deux blaireaux s'escriment à nous expliquer sans trop de conviction, ni de talent, qui'ls sont nés sur un nuage diffrent. Les choeurs sont vrailent faibles, pour une production de cette envergure, la seule touche un peu décevante sur l'album, dommage qu'il se finissent là dessus, avec des crins crins en bonus.

Mais voyez-vous, je pense qu'il l'ont remarqué, ce petit foirage de fin. C'est peut-être la raison pour laquelle ils ont recommencé à se foutre sur la gueule dès la tournée consécutive à l'album.
Tiens, comme, comme c'est étrange...comme... maintenant en fait.
Certaines choses ne changent jamais, d'aucuns diront que c'est réconfortant, et les autres (dont énormément de festivaliers) que c'est juste super chiant.



vendredi 4 septembre 2009

Traine - savates

Pourquoi personne ne m’a jamais parlé plus tôt du mouvement shoegaze ?

Pourquoi mes amis fins connaisseurs, mélomanes de goût et autres musiciens de talent (n’est-ce pas à ses amis que l’on mesure la carrure d’un homme ? *hum hum éclaircissement de voix*) on-t-ils gardés pour eux cette pépite ?

Alors oui, certes, j’en avais entendu parler distraitement au détour d’une conversation, plus attiré par les sourires des filles et le fond de mon verre.

Certes encore, on subodore des choses, des fragments adjacents parmi d’autres discographies.

Des reverbs du Velvet, des plages noise de Sonic Youth, des échos des Pixies…

Puis finalement, dans certains magazines rock, on croise du regard quelques clichés comme autant de théâtres trompeurs et grossiers des apparences.

Ces jeunes au regard perplexe et quasi-absent, aussi bien habillées que des teuffeurs de province en guenilles, n’ont pas retenu plus de quelques secondes de mon attention (c’est mon côté Mauriac un peu réac’ que les filles adorent).

Bref, on s’était planté, mon cerveau et moi, par paresse crasse et fainéantise obtus, notre lot à tous. C’est mon devoir d’homme éclairé que de le combattre, même par le biais de cette tribune plus que confidentielle.


Mon passeport pour la rédemption intellectuelle sera l'album "Loveless", du groupe irlandais My Bloody Valentine. Un groupe moderne, pratiquant la parité avant nos chères lois républicaines (Bilinda Butcher et Debbie Googe aux basses et guitares et Kevin Shields aidé de Colm O' Ciosoig [ wtf ?] aux guitares et batteries).

La raison de ce choix est simple, cet album est sensé être la toute première base du mouvement shoegaze, un de ces blocs de granit ou de calcaire que l'on soit napoléonien ou egyptologue. Notre pinceau d'archéologue en main, nous pouvons nous pencher avec l'excitation intellectuelle du philatéliste sur cette gemme des fort décriées fin des années 1980.

L'album commence par le morceau le plus pop et grand public que le groupe ait réussi à produire sur ce gros gâteau d'échos, de saturation et de reverb. "Only Shallow" attaque fort, avec une guitare réglée par un cinglé, qui sonne comme des hurlements de Vélociraptor.

La voix féminine, pure magnificence éthérée et aérienne mixée en arrière contraste totalement avec le reste des instruments.

Dès l'écoute de la première chanson, on se rend compte que ce groupe d'extrémiste irlandais (un peu comme l'IRA) a l'ambition de dynamiter les conventions et de déstructurer les acquis d'une scène rock alors un peu endormie. Et cela marche. La provocation continue avec "Loomer", morceau déconstruit, tournant en boucle, toutes guitares retenues, attendant d'exploser, obsédantes. Un clavier dégueulasse porte avec lui les derniers oripeaux d'une New Wave mourante. Même le songwriting n'importe plus vraiment.

Les paroles, d'ailleurs s'envolent, sur "Touched" comme emportées par le vent comme des feuilles mortes, disparues, balayées par un clavier, des reverbs et échos de guitares inquiétantes, quasiment immortelles. Retenez bien ce son recouvrant absolument tout. Il étaye une de mes théories fumeuses : My Bloody Valentine est le dernier rejeton de la New Wave nordique.

Il s'agit pour s'en convaincre de prêter l'oreille à la chanson suivante "To Here Knows When".

Ce son qui paraît samplé, entêtant est tout simplement une marque évidente de la new wave tardive du milieu des années 80. Il suffira d'écouter "O Pamela" et "Gruesome Castle", deux bijoux du groupe Écossais aussi talentueux que méconnu The Wake. La ressemblance est flagrante, l'Irlande et l'Ecosse étant séparées par un petit bras de mer. Ces voix sous mixées et ses claviers éthérés attestent de la présence d'une même couche sédimentaire primitive, celle de la New Wave. Une chose qui va disparaitre après quelques accords américain bien bendés.

Ce son subsiste sur la chanson suivante "When You Sleep", qui vous propulse droit dans le futur, un refrain que l'on donnerait pour du Pixies. Une guitare dont la vigueur et le son donnent l'impression que ces notes ont le pouvoir de briser les rêves comme de simples bulles de savon. Les chorales de chanteurs se fondent et se mélangent comme une fête de fantômes vaporeux à la Hacienda de Manchester, avec le défunt Ian Curtis aux platines.

"I Only Said" et ses vagues de décibels parlent d'un ciel rouge, sous lequel on vit, peut-être celui de la jaquette? On ne sait plus si on entend véritablement un harmonica ou si l'on a tout simplement rêvé, la tête posée contre le réacteur n°4 de Technorbyl, avant que notre vision ne se brouille à jamais. Chaleur et lumière des atomes en fusions.


Sur "Come In Alone" on se rend compte que le son des Valentines n'est pas un hasardeux bidouillage mais d'une modulation habile de leurs guitares, qu'ils parviennent à faire sonner comme un baleine mourante (décidément, c'est le jour des métaphores animales).

Ces différentes tonalités leur permettant de brosser toutes sortes de palettes d'émotions.

Ce dont ils ne se privent pas de faire sur "Sometimes", où, groupe féministe oblige, Kevin peut enfin se tailler la part du lion au micro. Le résultat est à la hauteur de celui des demoiselles. Cette chanson nous donne aussi à voir que les thèmes New Wave, solitude, futurisme, poésie et amour en perpétuelle fuite n'ont pas changé.

La chanson suivante, confirme cette orientation, "Blown A WIsh" parle de mort certaine et d'attente, de promesses sur les coups de minuit. A cette heure si étrange ou tout paraît différent. On se laissera impressioner par la discretion de la batterie, laissant toute la place necessaire aux harmonies voix-guitares, la grande spécialité du groupe.

"What You Want" quant à lui a carrément des faux airs de "Teenage Riot" de Sonic Youth. On imagine sans peine à cette époque, à quelle saine émulation ont pu réagir les deux groupes.

L'album se clot sur "Soon" qui envoie la dernière dose d'énergie vitale, sa batterie affirmée, et Bilinda qui surfe sur les dernières saillies de guitares qui paraissent aussi coupantes que rugueuses, clouant sur place la voix trainante qui semble à présent s'étaler comme la traine d'une comète mourante.


Oui, cet album est la preuve de plusieurs choses. La première est que les groupes irlandais ont toujours sû cultiver une différence précieuse avec l'encombrant voisin anglais (des Undertones à U2, des périodes de ce dernier groupe demeurant à peu près valables si vous n'êtes pas un gros hipster de votre race). La seconde est la preuve que le vacarme des guitares saturées peut se permettre d'être majestueux, comme la mer ou un orage d'été. Ceci, en soi, est une grande leçon.

Alors après tout, bon, post-New Wave ou Shoegazing, qu'est-ce qu'on en a à faire?


Voilà, la faute est réparée.

vendredi 21 août 2009

Rock and Roll in your daily life (part 8)


Beaucoup d'aficionados du Brian Jonestown Massacre savent déjà qu'arriver à comprendre le titre de certaines chansons cryptiques du aussi talentueux qu'allumé Anton Newcombe relève le plus souvent de la gageure.Il savent aussi que leur quête pour la révélation de la vérité les entrainera vers des paysages aussi exotiques que Mysterieux.
Pour ma part, un de leur titres appellé sobrement "Servo" est l'un de mes préférrés.
Mon esprit, complètement envouté par la magie de ces quelques minutes de musique se laissait bercer par des idéees aussi farfelues qu'oniriques. Parle-t-on ici du mental et de l'intellect humain, abrité par un servo déjanté? Est-ce une ôde aux servo-moteurs des fusées, capables de nous propulser vers les confins de la galaxie?

Je vous laisse imagner ma surprise lorsqu'en faisant une pause dans une station service Rajastani, je découvris que Servo était bêtement une marque de lubrifiant pour moteurs indienne. Un pays fort prisé par le sieur Tony. Quand on découvre la bête verité, simple, bien éloignée de toute révélation transcendantalo-mystique, on peut appeler cela...oui, une leçon d'humilité.

Maintenant un groupe de punk français et un groupe de rap anglo-saxon peuvent s'arranger pour négocier un contrat de sponsoring capitalisant sur le nom fort à propos de leur formation.

"Hey man, I'm big in India"

lundi 20 juillet 2009

Le phénomène Twilight: tranche de romantisme MDD ou porte des étoile ?


Ok ok ok, pas mal de gens me connaissent et savent qu’un de mes seuls et uniques buts dans la vie est de poursuivre de mes ardeurs des petites bourgeoises bien nées et aux minois fort plaisants. Si vous ne m’avez jamais rencontré je pense que vous avez pu le subodorer bien que mes goûts oscillent entre la mise en plis, perlouzes et petits fours (pas très rock, bien qu’elles en écoutent plus que la moyenne française, en comptant dans la catégorie les BB Brunes bien sûr) et les white trash du Kentucky, charmantes, fleurant la sueur sucrée, le gloss bon marché embaumant tout entier leur magnétisme juvénile vulgaire et effronté.

Les secondes n’étant pas légion en région parisienne et en proche banlieue, je me vois obliger de tourner mes efforts vers la première famille de nymphes : les bourgeoises.


Ce hobby me force donc naturellement à observer leurs mœurs, leurs us et coutumes, leurs hobbies et toutes sortes d’activités capables de me rapprocher de ces délicieuses créatures.

Celles-ci se pâment justement en ce moment même sur un film, que dis-je ? Une véritable saga realistico-fantastique moderne mettant en scène humains et vampires du nom de Twilight.

N’écoutant que le sens du sacrifice, du dévouement et de l’analyse qui me caractérise je me suis empressé de regarder ce film, un bloc note et une bière fraîche à portée de main.

Et bien je n’ai pas été surpris du tout, encore un teen movie poetico-romantico fantastique sur fond de nuages et de lumière bleuie dans la plus pure veine des experts Manhattan. Le scénario est même plutôt faible, bien qu’attendrissant. Une chose m’a cependant intéressé au plus haut point. Je laisserais ici mes oripeaux de satyre retardé et je vais parler d’un gros mot : la sensibilité. Twilight est avant tout la perpétuation d’un genre très ancien, celui du roman fiction historico-fantastique. Un style et un genre qui a connu de magnifiques heures sous les plumes de Schwob, Matheson, Lovecraft, et Edgar Poe. Il a eu en France des Représentant aussi distingués que Mérimée, et Victor Hugo. Pas le genre de roman de gare à l 'eau de rose pourri que vous pouvez trouver au Carrefour Market de Tournus en Saône et Loire. Je le sais, je les ais feuilleté après un plein de gazole et une traque pour un pack de panaché. Ce genre, ce film ou plus précisément les romans qui en sont à la base découlent en ligne directe de cette noble et prestigieuse lignée.

Nous retombons alors dans ma chère théorie fumeuse qui est celle des « portes d’accès », des succédanés assez intéressants et suffisants pour attiser chez le sujet l’envie d’aller plus loin et de fouiller ce champ culturel dont les racines vont souvent très loin.

Même si ces supports sont souvent considérés par l’intelligentsia comme vulgaires, fades, grossiers, approximatifs, putassiers voire carrément insultants pour l’intellect du consommateur de biens culturels. Ces personnes n’ont pas compris que ces supports sont facilement accessibles et attractifs, massivement diffusés et capable de toucher un public plus large, plus jeune et un peu moins ouverts sur les grands classiques de la littérature française et internationale.

On peut alors se prendre à rêver de voir ces chères têtes blondes se pencher sur tous ces beaux écrits, comme « Loki » ou « La couleur tombée du ciel », des pièces de littératures élaborées, sophistiquées passionnantes, pop, voir pulp avant l’heure et pas du tout prise de tête.

On parle aussi dans le film du morceau « Clair de lune » de Debussy, un grand pianiste romantique qui pourrait pousser ces jeunes adultes vers Satie et Berlioz, voire Chopin…Ils pourraient se cultiver librement, sans contraintes et surtout en se faisant plaisir, bref, l’épanouissement total dans la jouissance de l'esprit.

Je sais pertinemment que vous voyez déjà avec déception le sujet de ce post s’évanouir dans les limbes de mes divagations nocturnes, et vous n’avez pas tout à fait tort.

J’ai bien évidemment conscience de vos attentes et espérances concernant la scène rock mondiale et mes vues plus que hasardeuses et personnelles en la matière. Je vous prie de ne pas trop en tenir rigueur. J’avoue que Twilight comme thème craint un peu, mais je suis un peu comme Wilde (en un milliard de fois moins talentueux, bien sur), je regarde les étoiles allongé dans le caniveau. Ça donne un petit quelque chose agréable, un espoir un brin réaliste.

Puis j’ai fait une chronique de « Valse avec Bachir », donc ça rattrape ma street cred cinoche. La prochaine fois que je voudrais parler de ce que je ne connais pas, j’aurais la décence polie et la correction élémentaire de prendre un Godard que je porterais aux nues.

De toute manière, soyez honnête une seconde et avouez- le :

C’est aussi ça le rock, une conception très romantique de la vie, stylisée et poussée à l’extrême ce qui conduit souvent à des clichés malheureux du genre « Sex, Drugs and Whatever ». Si vous êtes assez bête ou fou pour croire au Rock avec un grand « R », c’est que vous êtes quelque part un romantique, il y a donc un peu de Twilight en vous, que vous le vouliez ou non.

Même si je suis sur et certain que ces crétins d’ados préféreront avant tout trouver sur le net des photos de Robert Pattinson et de Kristen Stewart à poil.

Voilà, la boucle est bouclée. On revient le plus vite possible avec une belle chronique d’album, argumentée, originale, sensée, drôle et intelligente. Promis.

mercredi 1 juillet 2009

Purple heart

Tout le monde avait été trompé. Niqué. Entubé. Arnaqué. Une jeunesse stupide, dispersée aux quatre coins des cinquante états des Etats Unis d’Amérique vivait enfin son rêve. Ils avaient obtenu ce qu’ils voulaient. Les copains rentraient enfin du Vietnam, l’herbe circulait, leurs tomates bio poussaient bien. Le gouvernement avait enfin toléré l’existence de communautés autonomes dans le désert, enserrées dans des mobil-homes rouillés, hébergeant paisiblement des hordes d’enfants de l’amour dans d’épaisses volutes de prog rock psyché.

Ces gens là, comme beaucoup, avaient oublié. Oublié beaucoup, voire trop de choses. Surtout oublié que leur pays était finalement le plus génial du monde. Celui qui avait vu naitre le rock and roll et s’envoler Elvis, Chuck Berry, Buddy Holly et Little Richard vers des firmaments incroyables. Cette bannière sur laquelle ils crachaient, c’était eux tous. Cette énergie féroce primaire, cette spontanéité et cette sincérité, ils l’avaient perdu, égaré en route au tournant de la fin des sixties. Elle s’était définitivement étiolée et évaporée à chaque bouffée de joint, à chaque gobage d’acide. Ils s’étaient tout bonnement perdus en route.

Seuls des poignées de parias incompris continuaient en 1972 à touiller ce qui était considéré par la classe hippie bien pensante comme un brouet réactionnaire et passéiste infâme.

Ils répondaient au nom de Stooges, Velvet Underground, New York Dolls. Les francs tireurs, les derniers des mohicans, réunissant des poignées de partisans éparts et agitant le maquis à grands coups d’albums terminaux, de concerts sauvages et de happenings réjouissants. Des passeurs pour les générations futures. Ceux qui nous intéressent ici sont les plus méconnus d’entre eux : les Moderns Lovers.

Les moins connus car les plus classiques, conformes et sages. Cette apparence ne saurait pas égarer le jugement du mélomane averti. Le leader charismatique des Lovers était en effet Jonathan Richman, bon à rien et fan notoire du Velvet qui file rejointe son groupe fétiche à New York sitôt le bac en poche. Il traine 9 mois las bas à squatter le canapé du manager du groupe et rentre dans sa Boston natale (ville aussi fertile de groupes que la grosse pomme, les Pixies vous le confirmeront), métamorphosé, il se met dans la tête de créer chez lui un groupe au moins aussi bon. Il sonne chez un vieil ami d’enfance et guitariste John Felice, le bassiste Rolf Anderson et le batteur David Robinson qui répondent présent. Les deux derniers claqueront la porte un an plus tard. Pour être remplacés par des étudiants de Harvard (oui Madame), Erny Brooks et Jerry Harrison. Richman porte les cheveux courts et le complet cravate, bardé de ses deux nouveaux acolytes, ce groupe n’incarne pas les clichés rock de l’époque. Le groupe joue dur, tourne dans la région de Boston et écrit ses premiers morceaux qu’il enregistre pendant des sessions parfois entrecoupé d’un an. Le combo est finalement signé sur Warner et parvient à décrocher comme producteur John Cale, en bon fanatique du Velvet. L’album éponyme qui nous intéresse ici aura donc été enregistré à la coule, durant maintes sessions et en différents endroits sur plus de 4 ans, car sorti en 1976. Album d'ailleurs sorti après la dissolution du groupe, un véritable patchwork pour que la major puisse enfin se mettre quelque chose sous la dent et remplir les caisses. Une trajectoire cométaire illustrant parfaitement le style détendu et carrément j’men foutiste du combo.

Pas de performance vocale, de torse poilu dégoulinant de sueur. Une nonchalance provocante, pourquoi se donner du mal à hurler comme tout le monde ? Pourquoi le faire quand une poignée de mots jetés dans un micro à la va-vite fait bien plus que 120 db vomis par le premier routier du coin ?


Autant le dire tout de go, l'album commence avec ce qui est devenu avec le temps un classique. "Roadrunner" est aux jeunes automobilistes en fugue et désœuvrés ce que "Born To Be Wild" est aux bikers du monde entier. Le morceau retrace en quelques minutes la plénitude qui vous saisit, lorsque vous vous laissez guider par la direction souple d'une Lincoln, les fermettes du Massachussets déroulant dans leurs écrins de verdure, et la radio crachant ses standards dans son flot de décibels. Le groupe ne renonce pas aux grandes parties de clavier et de cornemuse (John Cale ?), rien n'est trop beau. Rotten, l'avait compris, cette chanson sera une des premières reprises par les tous jeunes Sex Pistols alors appelés "The Strands". Les rêveries et l'ennui adolescent (tonight I'm all alone in my room, I go insane) la décrépitude morale et sentimentale qu'ils engendrent, la source de regrets insondables qu'ils entrainent sont une thématique majeure du groupe. "Astral Plane" parle de solitude et d'abandon, cet avion dans lequel embarque le jeune Richman est celui de ses rêves. Celui qu'il prend avec sa petite amie qui ne se pointe jamais. Un vol de nuit version 1976, servi par des nappes de synthés et une guitare grattée à l'os, rappelant certaines parties de Copperhead.
Le groupe vient de Boston, une des grandes cités patriciennes de Nouvelle Angleterre, une des plus anciennes, fondée par les premiers colons arrivés dans le nouveau monde. Une ville charmante au demeurant que ce groupe adore, elle et son conformisme désuet servi par de gentils parents. La piste commence comme un Morceau du Brian Jonestown Massacre. Bourrée de bons morceaux de l'ancien monde "I love the 50s !" entend-on, le groupe cultive ses racines et ne crache sur rien, surement par sur les mythes de leur enfance. "Old World" est aussi l'occasion d'insister sur un superbe échange clavier-guitare, un ensemble dynamique composé de gammes savamment orchestrées.
Avec "Pablo Picasso", on assiste tout bonnement à la naissance de la New Wave moderne. Tout se trouve sur ce fond de machisme admiratif pour l'artiste: Les parties de guitares des Talking Heads "Pyschokiller" en particulier, le ton modéré de la voix, mixée en retrait, le rythme entêtant de batterie.
Si on Pouvait soupçonner les Modern Lovers de ne pas porter dans leur cœur les hippies, tout doute est levé avec "I'm Straight', où Jonathan crache sur Hippie Johnny, (celui qui n'a pas de colonne vertébrale) le petit copain de la fille qu'il aime. Il explicite clairement qu'il veut prendre sa place, et que c'est lui le plus malin, le meilleur. Aucune chanson ici, juste un monologue, un texte parlé, et si le coup de fil désespéré dont parle Richman était tout simplement cette chanson?
La piste suivante renferme un joyau de l'imaginaire des Lovers, la relation de couple inexistante, et la solitude qui fait gamberger, le doute, les amis qui partent. Le futur, cette lourde chape de plomb qui effraye, mais pas notre héro, il sera "Dignified and old", et plus jamais seul. Ce morceau enferme aussi de petites innovation et des initiatives des plus séminales pour le mouvement punk en général. En premier les chœurs scandés de manière brouillonne et en seconde les parties de guitares agressives, adoucies par une basse langoureuse et des dentelles de clavier.
L'énergie punk se dévoile plus sur la chanson suivante: descentes de bases, rythme binaires et guitares bourrées de treeble, riffant la même chose en boucle. C'est cela "She Cracked", une copine infidèle qui fait des conneries, bien trop de conneries, une complainte énervée de petit ami bafoué, qui partageait pourtant des hobbies avec elle, par exemple "les choses européennes de 1943", comme...comme c'est curieux, les Ramones.
"Hospital" peu se lire en deuxième acte de la première chanson, la copine sort de l'hôpital, et lui le chanteur, est toujours amoureux d'elle, malgré tout. Le désespoir, l'hésitation et le doute, une chose qui a fait faillir bien des hommes, vous, moi y compris. La mélodie hispanisante et le rythme slow chanté par une caisse claire reverb (qui a dit 80s ?) montre la direction que la musique en général, ne va pas tarder à emprunter. Les accès de rage rappellent des Doors et leurs incantations voix-clavier. Ce n'est pas une chanson, mais une déchirure interne tant le chanteur souffre. Ce groupe mérite décidemment bien son nom.

Le break d'entrée de "Someone I Care About" part lui aussi comme une fusée. On remarquera que le thème encore abordé sera la recherche éperdue de l'amour, le vrai. Une quête menée rage au ventre. Aussi tendue que le beat de batterie, aussi aigrelette et monomaniaque que ces guitares rachitiques et obsédante. Aussi lancinante que cette base hypnotique. La recherche de l'amour absolu et suprême comme ultime but, un graal exutoire. Les Lovers veulent y tremper leurs lèvres.

La ballade la plus touchante et mélancolique de l’album est très vraisemblablement « Girlfriend », dont vous aurez remarqué la subtile allusion au thème principale de la chanson. Ici les voix se calment et l’ensemble devise lentement, accords plaqués et caressés sur les manches des guitares, comme le ferait votre propre main sur la paume moite d’une délicieuse inconnue. Le piano et la voix solitaire donne au morceau des airs de vieux dancings trash, du genre que l’on trouve dans les vieux Novotels de province pas encore rénovés. Vous savez, ces lieux aux sous-nappes roses, où les serveurs ont des cravates vert d’eau et où l’on s’assoie dans de grandes chaises en rotin peintes en blanc, qui grincent et crissent. Le morceau se termine sur une partie de guitare exquise.

Après ce court interlude de romantisme new age assumé, c’est justement de ce « Modern World » dans lequel il évolue que parle la chanson suivante. Une décharge d’adrénaline qui commence avec un break de batterie sans appel et mixe de vieilles guitares rockabilly avec un batterie simpliste, les chœurs remettent à nouveau à plat les premiers motifs punk tissés depuis le début de l’album. Cette chanson est un hymne à l’Amérique, ce qui est rare en 1976 après Vietnam et Watergate. Voilà enfin une chanson d’optimisme, qui parle, je vous le donne en mille, encore d’amour: “Well the modern world is not so bad, Not like the students say, In fact I'd be in heaven, If you'd share the modern world with me ”.

Les Lovers croient tellement à ce mode fantastique et rieur qu’ils décident, d’emmener leur sarabande dans les bureaux des fonctionnaires, faire danser dans les postes et les ANPE. L’atmosphère délétère est renforcée par un piano de Luna Park déjanté, grand instigateur de bazar.


Car oui, les Modern Lovers on contribué, directement ou non à le mettre un certain printemps 1976, il allait arriver en Europe en 1977. Le reste de l’histoire, vous la connaissez plus ou moins bien. On n’aura à reprocher à ce groupe qu’une seule chose : avoir eu raison trop fort et trop tôt. Sacrifiés sur l’autel des fulgurances incomprises, et oubliés du grand public, le sort peu enviable des génies.




lundi 18 mai 2009

La minute CNRS

Non, pas de disque là, pas envie, pas la niaque, pas la grinta du joueur de football sud américain.
Pas de sensations, de frissons, Waterloo morne plaine.
Alors voilà ce que je vais faire comme le marin au port, je vais bourrer de tabac ma pipe en écume , et vous demander de me payer quelques lampées de rhum afin de vous exposer quelques unes de mes théories rock fumeuses.

Voilà, je vais me perdre dans un verbiage socio-politico-musical plus ou moins long et brillant afin de vous distraire, lecteurs chéris, avec la grâce et le brio du clown depressif. Le genre de malade qui dans un dernier soupir, mourant sous la lumière aveuglante des projecteurs serait capable de lancer une dernière blague de toto avant de souiller son pantalon bouffant à pois dans un dernier tressaillement convulsif.

Nous allons aborder ensemble une des grandes questions que je me suis beaucoup posé depuis au moins 5 ans. Pourquoi existe-t-il (du moins médiatiquement) que des groupes de rock dits de riches?
J'imagine souvent dans mes fantasmes musicaux un groupe moderne, contemporain, transpirant l'ennui et l'urbanité agressive, dont les chansons relateraient sans détours des amours brisés et des rixes auprès des tours (poésie quand tu nous tiens). Vous savez, un genre de songwriting que l'on a pas vu depuis Renaud mais en beaucoup moins ringard, en évitant les mobylettes et l'accent titi parisien.
Un groupe dont l'écriture saurait synthétiser la veine à la fois vraie et poétique des bons groupes de rap (clichés d'orient/cuisine au piment/jolis noms d'arbres pour des bâtiments dans la foret de ciment -IAM-) dans un format résolument rock.
Des guitares un peu salies, à mi chemin entre les Hellacopters et les Libertines, mais avec un style bien plus direct, proche et concerné (qui a dit Starshooter et Asphalt Jungle?).
Je n'ai pas peur des chansons médiocres, je suis sûr qu'elles peuvent êtres vraiment nazes, si faibles et décharnées qu'elles en auraient du charme. Ce truc touchant qu'on les mauvais élèves quand ils orthographient mal un mot.
Ce serait, ça un groupe de pauvres, pour une fois, on pourrais même leur pardonner certaines choses comme le fait de faire un clip sur la dalle à carreaux de terracota 70's de la préfecture de Creteil. Jusqu'à présent les groupes de pauvres versent tous dans le ska festif ou l'alernatif 80's chiant comme La Souris Déglinguée et les Garçons Bouchers (que personne ne me parle de Noir Désir).
Ce triste constat nous amène à une question centrale en France (le pays de Saez, aïe, plus de 14 ans s'abstenir sauf si vous êtes une jeune infirmière de province): Pourquoi ne voit-on pas émerger sur la scène médiatique (même restreinte au microcosme du rock) un groupe venant des cités?

Les réponses sont nombreuses et constituent un faisceaux d'obstacles tel que tout jeune sensé préfère s'emparer d'un stylo bic, d'un micro et boucler quelques samples pour s'exprimer.

1) L'investissement financier considérable que représente l'achat d'un matériel de groupe de rock, même bas de gamme. Pour un line up permettant de réaliser de petits concerts il faut que le groupe débourse bien plus de 1000 euros. Le prix de l'indispensable studio de répétition rajoute au marasme financier avec des dépenses régulières à 25, voire 30 euros les deux heures dans une petite salle où la sueur devient par la magie de la physique, vapeur. Le fondateur d'un groupe de rap amateur sortira des sons décents pour le quart de ce budget. La première raison est tout simplement d'ordre économique. Mais les bluesmen du sud? Ils étaient pauvre comme tout, pas une tune, pas un copeck!
Soit, mais une guitare à l'époque du début du phonographe restait un investissement solide, une source de divertissement et de distraction intarissable, inépuisable car liée à la seule volonté de son maître. Maintenant en premier sur la liste des désirs viendraient des matériels électroniques permettant une distraction rapide, des consoles de jeux, des vêtements de marque à la valeur instrumentale très importante dans les milieux plus modestes. L'échelle de valeurs et de priorité à changé dans les pays développés depuis les années 30.

2) La maitrise technique des instruments, sans avoir la prétention de devenir un virtuose, pour jouer, il faut savoir plaquer quelques accords. Pour les apprendre, de deux choses l'une: soit on se paye des cours et cela revient à accroitre la barrière financière, soir on fait l'autodidacte en apprenant avec des copains-copines qui savent en jouer. Cette conjecture n'est pas sure dans les milieux défavorisés où le fait de pratiquer des activités musicales n'est pas courant, l'accent étant mis sur les activités sportives, moins couteuses, et ayant le mérite de fatiguer l'enfant, le calmer et le laisser se défouler loin des milieux confinés. La performance sportive est plus appréciée par les pairs dans la rue, ce succès d'estime garantie aussi une sécurité, et aussi, qui sait, une source de revenus énormes si le gamin joue bien au foot. Carrière considérée comme plus rentable par les parents que la vie de bohème d'un musicien (ils ont vu ce qui était arrivé à Elton John). La vue de ce constat nous amène logiquement à une autre raison.

3) Un environnement culturel et social peu propice, comme l'a exposé Pierre Bourdieu, le comportement de l'individu en société est déterminé par ce l'on appelle "l'habitus" (ahah, très marrant de jeu de mot, bravo bande de génies). Cette notion recouvre tout l'ensemble de savoirs que l'individu a acquis durant sa jeunesse: ses connaissance, ses valeurs, son éducation, ses bonnes manières, reflets de l'éducation donnée dès le plus jeune âge, ils influent directement sur le comportement et les goûts. La majorité des enfants n'ayant jamais été exposé à de la musique rock auparavant, ils ne la connaissent pas, et ont moins de chances de l'apprécier que des enfants habitués plus tôt. Même si votre serviteur ne croit pas au déterminisme social pur (on peu toujours ressentir un choc esthétique à tout âge, une révélation). Il est vrai que si les ponts sont coupés et les gens enfermés dans un style musical de prédilection, unanimement accepté et encouragé, valorisé par la société locale, la marge de manœuvre est d'autant plus faible (haha, dédicace R&F). J'ai moi même grandi en banlieue parisienne proche, pourtant assez classe moyenne où la norme était le rap. Le premier morceau de rock contemporain entendu devait dater de mes 15 ans. Ce qui est tard dans le développement des goûts musicaux, dans un monde où les majors tentent de vous mettre tout et n'importe quoi sous le nez, et ce, le plus jeune possible.

4) Le processus d'identification aux artistes tiens lui aussi un rôle important dans le fait de getthoisser les styles musicaux. La musique et sa diffusion sociale ne tient pas seulement au fait de l'écouter, un processus d'identification liée à l'image de l'artiste s'enclenche alors. Les fans vont se comporter et tout faire pour ressembler à leurs artistes favoris. C'est de ce processus que découle en partie l'envie de créer un groupe en commençant, manque d'expérience oblige à reproduire ce qu'il connaissent déjà.
Il est vrai que la scène rock actuelle, montrant des petits blancs issue de la classe moyenne-bourgeoisie parisienne défendant des idées, des valeurs complètement différentes du monde dans lequel ils évoluent. Ils préféreront se tourner vers des rappeurs français ou américains, défendant des valeurs, des idées et un style de vie auxquels la plupart aspirent. Ils vont donc créer des groupes de rap par envie et imitation et continuer à nourrir une auto-alimentation étanche de leur famille musicale. Le processus est strictement le même pour les rockers.

5) La difficulté fonctionnelle et physique du groupe de rock. Dans les faits techniques et matériels, la fondation d'un groupe de rock en France actuellement est un vrai sacerdoce. Beaucoup de jeunes sont vite lâchés par les MJC, ennuyées par tant d'espace à céder dans leur structure pour que quelques groupes puissent jouer. Le fait d'éviter la nuisance sonore d'une batterie est une priorité pour beaucoup de mairies. D'où la nécessité en environnement urbain de se payer des heures de studio insonorisé. Le fait de transporter le matériel est lui aussi très compliqué, il implique au moins une voiture ou une bonne dose de courage et de force physique.
En bref, les emmerdes quotidiennes sont démultipliées, décourageant les plus convaincus.

Ce ne sont que les raisons principales concourant à un tel désert dans le paysage du rock et plus largement de la musique telle qu'on la connait en France. On pourrait en citer d'autres comme l'image véhiculée par les médias, le poids de l'inertie sociale et les différences culturelles entre modèles français et anglo-saxons.

Voilà, c'était la fin de ma minute CNRS, vous pouvez retourner à vos lectures habituelles, ou aller checker ça (ce qui serait un peu plus utile).

samedi 25 avril 2009

New wolf in the pack

Bon les mecs et les meufs, juste une petite ligne pour vous dire que ce modeste blog s'enorgueillit d'accueillir une nouvelle plume. Celle de Maxence.
Ce n'est pas n'importe laquelle, aiguisée, trempée dans l'urbanité lyonnaise et le rock high energy le plus pur.
J'ai longuement réfléchi aux adjectifs et épithètes que j'aurais pu lui accoler mais j'ai matière à penser que vous vous rendrez compte par vous même.
C'est à ça que l'on détecte le talent, à l'insolence quasi insupportable de l'évidence.

Bonne lecture à tous.

jeudi 23 avril 2009

Nom d'oiseau

Ok, tout le monde ou presque se reconnaît dans la mythologie stoogienne, la fratrie sonique, le rock and roll à son paroxysme, intransigeant, séminal, déployant des passions fascistes pour le groupe. Les Stooges ont ouvert la brèche électrique balayant d'un revers de wouawoua vicieuse les effluves psyché des sectes de baltringues en sandales et chemises à fleurs. Bowie avait bien compris ce qui se passait, en explorateur-suceur de génie. Dès la fin de Raw Power et alors que l'iguane barbotait dans les caniveaux et les bordels de New York après avoir réalisé l'ultime coup de l'album le plus pervers de l'histoire, c'est le grand sauvetage, la bouée de secours qui va réveiller le lézard avant que celui-ci ne s'écrase définitivement dans une spirale autodestructrice. C'est en H.P. que Bowie va venir chercher le Igg et lui proposer de commettre un dernier forfait avant l'éden berlinois: les saucisses, les squats arty et la coke en tutu japonais. C'est le point culminant d'une époque, le sommet d'une vague qui va influencer toute une génération de crêteux post-punk, batcave, électro indus en tous genres avant de s’écraser sur le marbre des rochers. De cette collaboration va naître deux trilogies (Low, Heroes et Lodger pour Bowie et The Idiot, Lust for Life et Kill City avec Williamson, que je recommande chaudement).

C'est donc un album à deux mains que nous avons là, bâti dans l'atmosphère opaque d'une ville totem comme un manifeste absolu de modernité urbaine et crasseuse. La voix d'Iggy est d'ailleurs beaucoup plus mature, spectrale, chantant comme un Sinatra d'outre tombe sous amphétamine. Le premier morceau Sister midnight pose les bases d'une rythmique robotique jazzy, les guitares en arrière-plan tissent des mirages d'architecture futuriste monolithique, s entrechoquent dans une micro symphonie de synthés orientés gore italien du début des années 70. C'est un peu la réponse clin d’oeil au Sister Morphine des Stones (Dieu que je déteste cette chanson), sauf qu'ici, c'est plus psychanalytique, tendue sur la corde sensible d'une chute vers des horizons électroniques, informatisés, impersonnels. Les S.S. en cravate ficelle de Kraftwerk et Neu! ne sont pas loin et programment déjà leur moog en révisant leur C++.
Il y a du jazz dans The Idiot, du jazz blanc de bar miteux, des lumières diffuses de clubs 70's, des ectoplasmes à iroquoise et perfecto, des couleurs violacées rendues visibles par le prisme d'une cité fantasmée ou se mêlent ironie et errance. Le très kraut (kraut codec) Nightclubbing, où il est question de déambulation nocturne sur le son de guitares furieuses n'arrive pas à se décrocher de cette rythmique synthétique de piano bar nauséabond ou se côtoient putes célestes et freaks cold wave. Tout l'album est dans cette dualité jazz/électro qui se marrie dans le minimalisme et la glace.

Funtime réintroduit l'espace d’un instant le Raw: tempo serré, solos acides, montée crescendo, effervescence métallique soutenue par un Bowie surexcité background qui donne envie de s'arracher en caisse, faire des burnouts sur le parking d'Auchan ou de faire du patin à roulettes sous la pluie ivre mort. La reverb fait très psychobilly, mais le refrain de Bowie noie le poisson dans des chœurs de zombies macrobios en manque (de sexe et de drogue, il va sans dire). Baby, s'enchaîne sur cette drague décomplexée et propose une comptine romantique ou Iggy crooner exulte d'une romance binaire claustro. La voix touche ici par sa gravité burlesque, joue au funambule sur le fil du rasoir sans jamais s'entailler, parfois jusqu'au dernier souffle du dernier cri comme sur China girl, tube stupide de Bowie qu’Iggy arrive malgré tout à façonner en drama d'hôtel de passe tendance Thaïlande un soir de vin mauvais (et dieu sait que le pinard doit être dégueulasse la bas).
Puis viens le grand hommage, la madeleine sonique noyée dans les remords ou Iggy se pose la question suivante : Où sont passés les Dum Dumb Boys. Vous l'aurez compris, il s'agit des frères Asheton dont Iggy déplore l'absence en se remémorant ses conneries passées et le O'mind de ses 22 piges. La fascination première reste intacte mais la force n'y est plus, même sous le riff marteleur typé Asheton, la maturité ayant fait son érosion. Reste juste la silhouette du monstre électrique comme une chimère d'une autre époque. Epoque qui semble s'être terni au gaz néon, aux reflets troubles des grands panneaux électriques comme ce Tiny girls – tragicomédie de comptoir au saxophone - qu'on pourrait prendre pour une chanson d'amour mais qui n'en est pas une avec son timbre de boulard proto goth.

Pour bien faire il faudrait écouter Low en parallèle , même imagerie, même fusion synthétique de boîte à rythme de magasin de jouets et d'ambiance steam seconde guerre mondiale tendance Varsovie et méchants nazis. L'influence est réciproque, quasi consanguine. Cela donc aurait plus de sens quand vient Mass Production et ses 8 minutes d'atmosphère noisy limite shoagaze, industrielle et entêtante comme pourrait l'être la rengaine d'une chaîne de montage issue de 1984 (ou toute autre anti utopie urbaine). L'iguane se mue alors en prophète new age perché annonçant l'ère décadente d'un modernisme dantesque et lobotomisé type métal hurlant et prison haute sécurité.
Et oui, The Idiot... on comprend mieux la chose à la lecture de la théorie punk applicable sans nul doute à la "bonne" musique, musique déconstruite qui se revendique du bruit pur et simple (Music is for zeros, noise noise noise is for heroes hurlaient les Damned). Un truc d'abruti en somme dont le seul intérêt se résume à la recherche d'un shoot d'énergie primale. Iggy et Bowie restant précurseurs c'est un orchestre de bruits qu'ils proposent et avec eux va la musique binaire, concrète, électronique, idiote, dont on antécèdera les genres de "post" ou de "death" mais qui finalement reste le meilleur (donc le pire) reflet de notre époque. La belle merde me direz-vous ? Demandez à Ian Curtis tiens.

Dorénavant, il faudra compter, en cette fin 77, sur le nœud de la corde du pendue, la nausée. C’est peut être ça le post punk, une gueule de bois collective, la conscience que peut être cela n'a servi à rien, que trois power chords n'auront pas changé le monde et que sur les ruines de la bacchanale est née une vision plus profonde de l'enfermement urbain. Eviter d'être ravalé par la société de spectacle, casser les structures musicales qu'on avait entamé sur des bases classiques, ne plus se référer qu'à des dimensions intimes, des mélodies organiques, des relents. Finis le grand Fuck off, il va falloir faire avec un nouveau romantisme, un nouveau lyrisme qui émerge et qui déjà fait pousser des mèches sur les cranes rasés et des gabardines feutrées sur les cuirs tachées à la bière. La fête est terminée, les parents sont de retour dans la baraque, cachez vite les culs de joints et les packs de 8-6, planquez sous le lit les vinyles des ramones et réveillez les derniers mecs en t-shirt fendus jusqu'au nombril qui cuvent dans la baignoire. C’est fini les conneries! Remarquez la cuite était bonne, le lendemain va être difficile.

Maxence