mardi 3 juin 2008

Rupture tranquille

Beaucoup, d’entre vous seront d’accord avec moi si je dis que la musique pop est à la Suède ce que le bon vin est à la France, ce que la culture d’opium est à l’Afghanistan, ce que la mine antipersonnelle est au Laos.

Bref, en un mot comme en cent, une spécialité locale.

Les plus âgés d’entre nous se souviendront avec émotion des vertes années ABBA, celle ou la déferlante nordique tombait, tel le marteau d’Odin sur toute l’Europe et le reste du monde, n’épargnant que peu de victimes, réfractaires au disco.

Et bien mes amis, cette vague pop acidulée léchée et mélodique est en passe de faire son retour, certes sans les chemises à jabot et platform boots, mais avec des kyrielles de notes et des mélodies soft et entêtantes qui entrent en vous avec la douceur d’un bon sauna et la détermination d’un guerrier viking.
Les messagers du nouvel âge sont ici des filles (vous connaissez mon obsession pour les girl bands) dont le nom est à la fois poétique et porteur de promesses, les Sahara Hotnights, ou Hotnights tout court pour les intimes.

Quatre filles que l’on avait connues quelques années plus tôt, un peu plus énervées et rentre- dedans. Les plus curieux d’entre vous se pencheront sur le pas mal « Jennie Bomb » (que je trouve un peu trop formaté FM cru 2000’s) et le très bon « Kiss & Tell ».

Cet effort récent daté de 2007 constitue une sorte d’intéressante alchimie, car le groupe a muri et a pris davantage confiance en lui.
En résulte une couche de reverb moins lourde, un son plus clair typiquement nordique, une voix plus maîtrisée, des mélodies simples et des arrangements extrêmement chiadés.
Cependant attention, même si le chat ronronne, il sort parfois ses griffes, renouant avec les bases rock d’antan.
Mais bon, le virage pop est assumé et proclamé, ne vous attendez pas à autre chose qu’à des histoires d’amour et de solitudes très bien racontées certes, mais un peu répétitives à la longue.
Le pari est gagné en termes de profondeur et de complexité musicale, les mélodies efficaces sont servies par moult percussions, pianos, orgues, guitares acoustiques et saxophones.
On regrettera des petites sorties critiques alors bien présentes avant.
Toujours assez classes et polies mais bien senties (petite chasse au trésor pour toi ami lecteur : saura tu trouver la merveilleuse chanson « Model A » présente exclusivement sur le pressage japonais de « Kiss and Tell »? Un conseil, cherche du coté des myspaces non officiels consacrés au groupe). Enfin, que disent ces chansons ? Que valent elles ?

En écoutant « Visit To Vienna », vous comprendrez de quoi je parle en comparant ces demoiselles avec les vénérables ABBA. Le tempo est enlevé et les canons vocaux légions dans cet appel au week end de folie que l’on va passer à Vienne, à croire que l’album est sponsorisé par l’office du tourisme autrichien.
La voix de Maria Andersson colle bien et les guitares grattent.
Comme son nom l’indique bien « The Loneliest City of All », est une balade mélancolique épistolaire écorchée (mais pop amère) aux accents japonisant, en effet un amant écrit à sa petite amie de Tokyo. Qui se sent finalement le plus seul ? Lui ou Elle ? Des airs de Lost in translation flottent sur ce morceau.
La piste numéro trois « Salty Lips » est une charge, à mon goût un peu vaine sur les ragots en tous genre et ceux qui les profèrent. La mélodie est sympa et les moments d’accalmie sont un véritable terrain de jeu pour Johanna Asplund, la petite bassiste talentueuse et bien mignonnette…enfin je m’égare.
Le piano et les vibratos boisés de « Neon Lights » illustre parfaitement les petites touches d’impressionnistes ajoutées au cours de la production de cet album.
La rythmique syncopée de « No for an Answer » et son tempo lent marque un pas de plus dans le partis pris pop, tout comme les petites notes de mandolines toutes calabraises.
La limpidité de la voix de Maria est aussi étonnante, les histoires d’amours déçus sont décidément inépuisables.

« Cheek to Cheek » arrive ensuite, plus punchy avec sa grosse caisse proéminente, la mélodie est entraînante et épurée, mais bon je suis pas dans les fans extrémistes de Dylan qui pensent que les textes doivent commander la mélodie mais quand même, encore une histoire d’amoureux jouant des rôles. J’ai beaucoup de sympathie et de respect pour ces demoiselles, mais bon je ne sais pas moi, pourquoi ne pas raconter autre chose, comme ses vacances ou une balade nocturne ? Un peu d’originalité romantique que diable, même si je suis sale gosse sur les bords.
La chanson suivante « Getting Away with Murder » est un bijou de classicisme fondé sur line up format Saturday Night Live.
Très Costellien, le côté girly de la douceur en plus, et il est du plus bel effet, à grands renforts de breaks de batterie péchus usinés par la grande blonde Josephine Forsman et d’un saxophone surfant sur les refrains. J’en suis presque à la réhabilitation de cet instrument qui a pourri les 80s.
Le chiot, ou autrement dit « Puppy » annonce le retour des guitares acérées de Jennie Asplund (la soeur de Johanna à la ville) riffant de manière nonchalante sur un fond rythmique de cow bell irrésistible. Les excentricités vocales de Maria et le upper tempo montrent qu’elles n’ont rien oublié de leurs jeunes années. Une énergie sans façon et bien maîtrisée qui amène une bonne bouffée de fraîcheur.
La piste suivante « Static », une ballade un peu country made in Gotebörg lorgne du même côté et ça fait du bien, même si le thème reste le même.

Et si c’était cela, un concept album intelligent du 21eme siècle ? Comme si l’on prenait enfin le temps de s’arrêter sur les choses et de s’appesantir un brin dessus, de les mâchouiller sans fin, comme une vieille rupture, à la manière de Van Morrison ou de ces romanciers russes.
Après tout, telle est la question ”What if leaving is a loving thing”.
Une question qui vous reste collée au palais, douce et amère comme le souvenir d’un vieil amour.

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