dimanche 21 décembre 2008

Alain Decaux raconte...Blondie


"Les dernières volutes de fumée bleue se dispersaient au dessus de la table de Billard.

Le cendrier de verre coca-cola accueillait dans une dernière culbute d’étincelles un mégot encore tiède.

Son propriétaire, un homme à l’air sévère, aux tempes grisonnantes, se tenait dans la pénombre du dinner. Appuyé contre sa queue de billard laquée dans une moue dédaigneuse, il jetait à sa fille un dernier regard humide, aussi implorant que dépité.

Il trempa ses lèvres dans un fond de scotch, la reposa sur la table en formica en faisant tinter bruyamment les glaçons.

Son regard ne se détachait plus du bout de ses pieds.


« - Où vas-tu partir alors ? »

« - New York. »

« - Tu as de l’argent ? »

« - 500 dollars. »

« - C’est tout ? »

« - Oui, je vendrais la voiture en arrivant sur place ».

« - Une Le sabre 1960 ? Tu n’en tireras pas grand-chose »

« - Assez pour payer quelques mois de loyer »

« - Tu ne feras pas de bêtises hein ? »

« - Non papa, au revoir. »

« - Au revoir. »


L’adolescente posa son regard inquisiteur sur le barman au nœud papillon turquoise, en léchant le dos de sa cuiller.

« - La route pour New York City? »

L’homme tout troublé posa sa cafetière et répondit à la jeune femme que le trajet le plus court était l’interstate 95 à la sortie de Jacksonville, direction Annadale.

La petite blonde à l’air menu poussa le battant de la porte, laissant sa part de tarte entamée sur le comptoir.

Dick Harry était amer et déçu. Il aurait voulu dire une dernière fois à sa fille qu’il l’aimait, avant qu’elle ne parte.

Dehors, les pneus de la Buick crissaient déjà sur les gravillons couleurs néon du parking."


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