vendredi 17 avril 2009

Nuit Blanche

Vendredi 17 avril : Je viens de louper mon train. Un petit Eurostar qui m'aurait ramené à Londres bien vite et sans encombres.
Mais voilà, je ne me suis pas réveillé à temps et je l'ai loupé, comme un connard.
Donc me voici de retour, dans ma garçonnière parisienne, seul, et je fais le bilan.
Un avenir professionnel pour le moins incertain, un goût naturel pour le stupre et la facilité crasse toujours aussi prononcé, et une vie sentimentale à la dérive (et encore c'est un doux euphémisme). Devant un monceau de ce genre de nouvelles réjouissantes je fais habituellement trois choses:

1) Je me bourre la tronche avec des bons vins de terroir (ce soir c'est fête: Sancerre + Mâcon Village, les deux de grande qualité, s'il vous plaît).

2) J'écris une poésie, de préférence en alexandrins, dans un style bien pesant:

Que sont ces infinis que les étoiles renferment ?
Ces multitudes qui chagrinent l'âme humaine
Oui, j'ai bien cru ce soir les avoir aperçu
Dans leur douceur et la vérité la plus nue

Mais déjà ces vers me paraissent ineptes et morts
Et meurent dans mon esprit tandis que je m'endors
Dans une douce nuit et ses exquis parfums
Qui m'amènera encore trop vite à demain

Car pour la nuit entière, mademoiselle vous êtes mienne
Et la lune pâlit car je suis infidèle

3) En dernier lieu j'écris une chronique rock de qualité moyenne sur un album FM, commercial, et donc sous évalué, que des gens trop satisfait de leur vie ont pu auparavant démolir.
Les Donnas arrivent donc à pic pour me sortir du spleen. Je ne vous ferais pas l'injure, lecteur fidèle, de revenir sur mon coté fanboy absolu de ce groupe californien, le plus éhontément sexué depuis les Runaways. Je n'ai pas dit sexuel bien que Brett Anderson ait toutes mes faveurs (c'est dans ce genre de moment qu'on aurait bien tous aimé être Louis XIV pour une nuit, monarchistes ou pas).

* Interlude TV: Pub pour la Marine Nationale, ces mecs ont l'air de s'éclater, ça contraste avec le "Sans aucun doute" qui débarque après. Pourquoi tous les maris escrocs à la succession ont un accent marseillais, même après brouillage vocal? *

Bref, revenons à la musique, adolescente, pure, rock de pétroleuses, qui vous donne envie d'acheter beaucoup de gallons d'essence au prix de détail. Assez pour faire le plein d'une Chevy et aller faire un tour du coté de la baie, la seule, l'unique.
Tournez les clefs, laissez le V8 ronronner nonchalamment sous votre coupe, plongez une dernière fois les yeux dans le décolleté de votre passagère, il fleure le gloss framboise et le bubble gum tutti frutti.
Nous sommes prêts à passer la nuit entière, le vent dans les cheveux et la radio à fond.

Et bordel, ça commence vachement mal, la passagère veut passer prendre ses copines "It's On The Rocks" ça sent à plein nez le plan loose, à passer pour le chauffeur de service. La voiture avance aussi lentement que les coups de cowbell, heureusement qu'ils sont jouissifs. De toute manière, ces filles ne croient pas à l'amour "Love's like a car crash ...", c'est pour ça que chaque seconde, le kid en vous se sent plus amoureux. Tellement en chien que cette chanson dure et rêche pourrais vous faire faire l'amour à un mur de béton.
Le larsen reste en suspend quelques secondes pour vous faucher avant le prochain feu rouge, avec un "Uh ! " de la chanteuse noyé dans une mer de charley, la guitare se tend, rigide et compacte, la perche qui vous sors de l'eau, avant de vous refaire boire la tasse sur un solo incroyable. La chanteuse, encore humide vous demande de tout tomber. C'était "Take It Off".
Quelle soirée, maintenant elles vous pressentent pour les ramener chez elles, la porte est ouverte, c'est un uppercut dans le bide, elles vous ignorent et font la loi, règlent leurs comptes avec des connards qui ruinent la party "Who Invited You?". Les chœurs coups de pieds et les filtres de saturation rendent bien la cène. Ces filles s'occupent de vous et c'est votre dernier repas, accompagné par une basse oppressante et une guitare encore plus américaine que Charlton Heston pendant un meeting de la NRA.
Mais forcement la soirée se termine mal "All Messed Up" (et quelques chose nous dit que ce n'est pas à cause des coca light comment elles nous le disent). Les avances éhontément graveleuses ne peuvent que nous charmer "Pourquoi ne sautes-tu pas dans mon lit?". Flash and thunder, juste le temps de se souvenir du dernier film de boule qu'on a vu avant de sauter dans pieu, comme dans le train en marche. Un vrai hold up sentimental. Les performances vocales de la chanteuse, à la voix chaude, lascive et suave vous laisse plus que rêveur. C'est juste Bettie Page 2.0 au micro.
On passera vite sur "Dity Denim", même sir les chœurs en colères sont sympa, avouons-le les gueules de bois ne sont jamais brillantes, toute wonder woman que vous puissiez être.
Le ton est plus drôle quand ces demoiselles règlent leur comptes, ce côté catch dans la boue est des plus charmant sur "You Wanna Get Me High". Une sombre histoire de bellâtre de high school qui essaye après des années de moqueries et de quolibets de se taper une des filles maintenant dans le coup. La mi chanson débarque sur fond de ride un solo-tapping du feu de dieu, Thor lui même tordant des éclairs à coup de Gibson Junior (oula, ça va plaire à quelqu'un ça).

Fait cocasse: la chanson suivante est exactement l'opposé, (surement un clein d'oeil à la dualité de l'âme humaine, concept cher à Matthew Modine) la chanteuse se prend un râteau cash et se relève en deux secondes chrono. On se demande d'abord quel crétin a osé decliner l'offre et d'où ces filles tirent leur force : "I Don't Care (So There)". Perso, les râteaux, plus ou moins directs m'ont toujours valu plusieurs mois de prostration confinant à l'autisme.
Là on revient à la maison avec une chanson parlant de fête (eh oui, encore!), mais nous tombons nez à nez avec le morceau le plus riche de l'album "Pass It Around", solos interminables, reprises à la dérive abracadabrantes, chœurs scandés et chantés, apartés parlés, slapping de basse-ponctuation et gros tambourin. Un millefeuille si complexe et si beau de sauvagerie que les filles n'ont jamais osé jouer en live. C'est d'ailleurs le seul point faible de l'album (hormis la récurrence des mêmes thèmes, mais on ne l'a jamais reproché à AC/DC, c'est pour ça qu'on aime!).
Même si la production est carrée et bien léchée, elle l'est des fois un peu trop, et cet écrin précieux fait pâlir les chansons lives, même si ces demoiselles sont des routières forcenée des circuits indés, capables d'abattre autant de barrés seconde que Johnny Ramone.
On retrouve une bulle de fraicheur avec "Too Bad about your girl" au clip assez drôle (devenu introuvable sur youtube) mais là n'est pas important.
La production est plus originale et plus disco pop, les couplets sont plus posés, même si les refrains cognent, on touche là à quelque chose de d'assez novateur, comme du Blondie côte Ouest de l'an 2000. Les chœurs en canon à 1:25 sont justes ahurissants. Les efforts payent toujours comme dirait Juppé.
"Not The One" est a ranger avec leurs autres chansons-râteau, assez dégradantes pour mon orgueil de mâle. Je passe éhontément.

La piste suivante est beaucoup plus intéressante, sans attaque multi instrumentale fracassante d'entrée. L'introduction de "Please Don't Tease" se met en place doucement et en bon ordre guitare - batterie - basse alternant riffs, temps mort et charley. Brett se torture la voix, qui fluctue et se dédouble.
Maya Ford à la basse abat le bois avec une basse gironde, casi groovy. La gratte s'arrête et repart, se ménage des pauses, laisse la place aux handclaps et à une jolie cloche ride bien polie. Brett reprend le lead: "Baby please, I'm getting down on my knees". Quand elles s'y mettent, nos filles savent y faire. La nuance peut aussi être leur truc.
"Take Me To The Backseat" est un appel en règle au sévère tripotage et au roulage de patins hors piste.
Oui, la banquette arrière de la voiture de papa, ce lieu magique sentant la sueur, le slushy fraise, le plastique Valéo et la peau de chamois où tant de jeunes américains ont fait leur apprentissage charnel.
L'album se termine en beauté, avec une Brett impériale, toutes amygdales dehors. Lla section rythmique est aussi bien rivetée qu'un B 52 et porte la guitare d'Allison vers Un Annapurna d'environ 4 minutes (la chanson la plus longue de l'album). L'accord voix- guitare est particulièrement bien organisé, alternant modulations et pics réciproques. Cela fait plaisir de voir des collègues qui s'écoutent et se connaissant depuis si longtemps. "5 O'ClockIn The Morning", se finit au petit matin, comme les dernières heures de la nuit qui s'évanouissent avec la basse serpent de Maya Ford.
Les filles sont reparties aussi vite qu'elles étaient venues, laissant tout le monde en état de choc, les tympans crevés et les yeux luisant de gratitude. Vivement le week end prochain.

L'album est terminé, et on est bien content, pas que la musique s'arrête, non, loin de là.
On est juste satisfait d'avoir écouté un très bon album. Car, après tout, c'est un peu ça un album FM, c'est se payer le luxe de ne pas réfléchir, pour une fois.



PS: Le titre de l'album "Spend The Night" est à ne pas confondre avec le jeux en ligne Spend the Night qui est le théâtre de rencontres virtuelles "érotiques et sentimentales", destiné plus spécialement au public féminin. Spend a Night se veut le premier MMOG romantique pour adulte. Tout un programme...légèrement différent que celui que nous venons de traiter et que l'auteur aura jugé bon de préciser.

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