mardi 21 octobre 2008

Loup Reed, bête de scène

Bon alors, partant du principe que vous êtes des lecteurs fervents et assidus de cet exutoire numérique que vous appelez un blog, je pense que vous connaissez mes vues (aussi crasseuses que personnelles) sur la musique jouée et délivrée en instantané.


C'est à dire tout bêtement la performance live, trait d'union entre le raffinement musical et sa facture spontanée et directe sur scène, la rapprochant de l'art brut.
"Rock n roll Animal" est de ce genre de témoignage.
Je ne sais pas pourquoi je viens de me perdre dans ces phrases interminables et grandiloquentes, mais bon elles sonnaient bien alors à quoi bon vous en priver?
Surtout quand on sait qu'une partie de mon plaisir sadique à écrire ce blog consiste a vous les infliger.

Tiens, tiens, mais ne serait-ce pas un des quelques traits communs que nous partageons absolument tous inconsciemment (maintenant que sœur Emmanuelle est morte).
Qui ici, n'est pas feignant, méchant, menteur, incohérent, lâche, stupide, grossier, mégalomane, méprisant, ignorant et vulgaire (si vous pouvez répondre OUI a tous ces adjectifs vous pouvez cocher la case "dictateur fantasque" dans les formulaires Carrière et Compétences de l'ANPE).
Un peu comme tous les hommes en fait, Lou Reed étant un homme il cumule donc une partie de toutes ces tares. On pourrait encore pousser ce brillant syllogisme en se disant que chez lui, elles sont non seulement quasiment toutes présentes, mais aussi poussées à l'extrême.


Jusqu'à cet album, ces tares étaient plutôt occultées, on le savait certes, drogué jusqu'à la moelle, suffisant et un brin mégalomane, mais devant ses comptines décadentes savamment ouvragées, la critique indulgente et le publique en extase se prosternaient devant ce trublion provocant et asocial.
Mais voilà, le statu quo sage et respectueux qui s'était imposé n'a pas tardé a vraiment énerver notre ami Lou et son flot de dépravation incessant avait fini, par devenir, a son goût et à celui de ses fans, aussi mou et inconsistant qu'un chamallow.


Piqué au vif (et surement, en pleine descente d'acide, ce qui n'arrange rien), il reprend son t shirt noir et ses bracelets a clous et décide de battre les routes des scènes et du monde, en pleine vogue des super groupes à formation aussi géniaux que grandiloquents. Rien que pour montrer, que lui, le tôlier était toujours là, que son dernier bébé, "Berlin" tenait la route, et par là même que sont public n'était finalement qu'un ramassis de cons.


Il allait renier publiquement tout, reprendre le train là où il était arrêté et renforcer son line up, le baraquer comme un proxénète du bois de Vincennes à coups de chromes, d'ors et de vermeils vulgaires pentatoniques. Après tout, c'était un homme du peuple, le clinquant de Brooklyn ou du Bronx, au fond, il aimait ça.


Et ça allait commencer dès l'intro, doucereuse et trompeuse, comme une goulée de whisky , le ton était donné, et sur ces entremêlas alambiqués allait naitre une "Sweet Jane" toute neuve, adulée par la foule en délire dès le premier riff clairement identifiable.
Lou était là, toujours debout, planté sur ses deux pieds, après un malaise tachycardique et plusieurs évanouissements, chantant son petit couple new yorkais, plus nonchalant et convaincu de son génie que jamais.

Il le savait, c'était du réchauffé, mais ce n'était pas grave, ce qui comptait à présent c'était son groupe de bretteurs aussi doués que peu avares de notes comme Steve Hunter et Dick Wagner, aussi effrayants que leurs propres patronymes.
Là il y a a cassure, fracture nette du rythme, "Heroin" arrive, dans une intro aussi épurée que dépouillée, puis soudainement encadrée par un cloître de guitares jouant les mêmes parties, comme les deux pendants d'un même arc boutant.
Tout ça pour se calmer et d'arrêter juste après, pour repartir comme le sang dans vos veines, celui qui vous pousse a devenir fou et à pleurer dans un chahut de wouah wouah portées par la basse de Prakash John et la batterie de Pentti Glan. Pour retomber ensuite sur le dallage froid du monastère, comme une prière lancinante.

Rien ne pouvait arriver de mieux que « White Light/White Heat », Annapurna bruitiste de l’album éponyme, le plus loué par les fans les plus hardcore de la formation (pile après Metal Machine Music, dont le chef de file des défenseurs n’était ni plus ni moins que Lester Bangs qui entretenait avec l'ami Lou une relation versant dans la résistance sado masochiste incestueuse du point de vue musical).

Les musiciens parviennent sans mal à donner à ce morceaux un aspect de Southern Rock and Roll big shebang des plus primaires et agréable, se terminant dans la jubilation la plus complète et la plus totale.

« Lady Day » renoue avec les mélodies acides, mais, concept oblige sur grand fond d’orgues trainants et langoureux et de solos maniérés aussi maitrisés que prémédités.

Un autre moment de grâce renait par le biais de ce live, c’est « Rock and Roll », tiré de l’album « Loaded » (mon album preferré du velvet). L’histoire quasi autobiographique d’une petite fille prenant goût à la vie grâce au bon vieux rock 50s dont elle se gave sur les stations de radio new-yorkaises alors florissantes.

Le petit hymne intimiste et personnel se transforme sur cet album en pièce montée hard funk où la vie n’est plus qu’un caléidoscope géant ou se chamboulent différents cristaux multicolores.


C’est cela cet album live, un miroir déformant où Lou Reed se joue de ses tics et de ses vieilles habitudes, ou la musique semble irréelle et bouleversée, floue, comme la photographie de cet album. Floue comme la vie tout court, finalement.

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