mercredi 1 septembre 2010

La presse Rock à l'heure du digital, lettre ouverte à Rock & Folk

Pour une fois, je pense faire un billet utile. Ecrire quelque chose d’éducatif, structurant et si possible un peu humble, comme un prof du collège de France. Ce serait agréable. Les gens resteraient là, à m’écouter déblatérer ma prose dans un luxe de style et d’intelligence. Cependant non, je ne vais pas le faire comme cela, mais avec un ton agressif et maladroit, en espérant dire toutefois quelque chose d'utile. C’est un peu le deal entre nous non ?
Vous me donnez un peu de temps d’audience (qui me donnera l’impression de combler le vide de ma vie) contre l’impression d’un enrichissement éphémère (qui vous fera sourire un peu, si possible).
Mais ce n’est pas la question d’aujourd’hui alors reprenons, et disons ces choses utiles.

Je me suis plongé, à l’instar de quelque uns d’entre vous dans le grand dossier central de l’édition d’aout de Rock & Folk.
Et bien j’ai été surpris, par une publication qui devrait être ni plus ni moins la NRF de la musique pop en France (je n’ai pas dit de la musique française). Tout d’abord une super couverture, annonçant d’alléchantes spéculations sur le retour éventuel de noir désir. Force est de constater que le lecteur sera déçu, car il devra se coltiner les divagations de quelques oncles Paul. Qui savent bien faire ce que l’on attend de l’oncle Paul, c’est à dire raconter de belles histoires. Ce qui n’est pas gênant en soi, car tout le monde aime les belles histoires.

Mais non, car l’accroche est mensongère (Un peu comme un autre numéro précédant titrant « Jack White tacle la concurrence », tout ça pour s’entendre dire au détour d’une question un truc de ce genre « Beaucoup de gens enregistrent avec des ordis actuellement, et bien moi désolé les mecs, je préfère l'analogique [...] »).
Le résultat est le suivant : huit belles pages traitant du rock français, de cette grande obsession du grand retour. De l’être providentiel.
Un sentiment très français depuis Jeanne d’Arc et De Gaulle. Une sorte d’apparition post messianique de 4 types à même de faire se remuer tout un pays à l’unisson. Et bien sûr pas un semblant de réponse, ni sur Noir Desir, ni sur le rock français en général.
On a bien un petit moment sur le Do It Yourself un peu intéressant ou personne n’avoue qu’il aurait pu faire mieux, et puis quelques lignes croustillantes en forme d’aveux « Aucun rock critic ici n’a vu venir Phoenix ». Tout cela peu être encore défendu avec un peu d’argumentation et bien amené avec quelques pirouettes.
Mais là ou le bat blesse, c’est quand nos sages nous parlent d’internet. Ces respectables, ces puissants, ces musiciens, ces immortels évaluent les succès « au nombre de connexions internet ». Mais sans dire de quoi l’on parle, de visiteurs uniques (ce qui est le plus probable), de pages vues, etc… malgré un petit moment de bravoure sur le nombre d’écoutes, de téléchargements et le business modèle de Radiohead. Au détour de ces quelques lignes, le visage hideux de la vérité apparait, amenant avec lui son funeste cortège de désillusion.
Ces rockers respectables sont des notables. Des gens qui se retrouvent dans le 17eme en écoutant des vinyles sur des grandes enceintes JBL aux basses bien rondes, sirotant lentement leur verre de brandy. Attention, je ne blâme pas leur situation, on peu être riche et être intéressant, agréable, bien apprécier la musique et bien en parler.

Je blâme leur âge, ou peut être plus leur manque d’ouverture d’esprit. A traiter le web comme la dernière roue du carrosse, on perd le sens des réalités. On perd de vue le fait que les jeunes lecteurs sont des kids sans un rond qui téléchargent toute leur musique, roulent en mp3, échangent des titres et donnent leurs avis sur des albums obscurs et des textes apocryphes (à l’image de ce modeste blog), le tout sans compter leurs heures ni leurs efforts.
C’est quand même dommage, car le temps passant ce magazine vient à manquer sérieusement de slip. Les Ungemuth, Farkas et autres sont bons, mais sacré bon sang... Quand on me parle d’un live qui tue je veux des références Youtube, des notes de bas de page qui me redirigent vers les blogs spécialistes et les revues online qu’ils ont pompé.
Je veux que les journalistes livetwitt le Hellfest comme Alex Hervaud. Je veux une plateforme de blog brandée comme le magazine (à l’images des blogs Le Monde ou Libé) qui tiennent la route. Je veux voir des making of. Je veux voir des débats, enflammés en vidéo. A l’heure actuelle, les politiques et les économistes qui se jettent leurs notes à la tronche sont dix fois plus excitants. Je me souviens d’ailleurs d’un premier essai, le punk press club qui n’était pas mal en soi, qui amorçait un truc super  intéressant.

Et puis depuis, rien, silence radio sur le site, qui est d’ailleurs une sacrée bouse. Je suis sur qu’ils ont des rédacteurs plein de bonne volonté qui pourraient bénévolement lâcher un billet ou deux par mois. J’adorerais le faire si j’en avais le talent. Mais les Inrocks et Technikart s’en sortent et des milliers de blogs rocks pullulent et nous sommes loin de tous les connaitre. Je veux une page de ce mag consacrés aux sites et blogs du mois, chroniqués comme des albums, indiquant leurs sujets de prédilection, etc.
Je veux des reprises des meilleurs articles thématiques du web comme le fait Owni. Je veux des articles sur l’avenir de la musique payante et gratuite comme on peut en lire dans Wired. Je veux un comparatif des meilleures plateformes de streaming musicales légales, Deezer, Spotify, Grooveshark et toute la clique. Je veux que vous parliez de choses neuves, de trucs pratiques, qui donnent envie d’ouvrir son blog, de lâcher des playlists. Je ne veux pas baver sur la Triumph ou la Vespa que ne n’aurais jamais.
Je veux que l’on me parle de Pandora et des raisons pour lesquelles c’est rideau en France. Je veux de l’utile. Je veux des critiques croisées à la Pitchfork. Je veux que l’on m’en donne pour mon argent. Je veux que vous fassiez votre boulot comme en 2010. Pour que je puisse vivre ma passion, comme en 2010, comme j’espère la vivre en 2020, un verre de brandy et un iPad en main. Un peu d'allant que diable !

Merci à ceux qui ont ce roboratif article lu jusqu’ici. Et a très bientôt.