Les choses n’étaient pas faciles dans l’Irlande de la fin des années 70, secouée par la guerre civile depuis plus d'un siècle, les factions opposées se battant allègrement à coups de glaviots, briques, bâtons, fusils et bombes interposées, sans parler de la dame de fer fermant les mines, usines et chantiers navals.
Un mur de la honte coupant en deux la ville de Belfast.
Un mur de la honte coupant en deux la ville de Belfast.
C’était la merde.
Pourtant de cette ville portuaire et industrieuse à l’avenir bouché va voir la naissance d’un des groupes les plus rafraîchissants au monde.
Preuve que sous l’acier et le béton, la vie suppure toujours.
Non, je ne parlerai de U2, mais des très injustement ignorés Undertones, et en particulier de leur premier album, le très justement nommé Teenage Kicks.
Cette banale bande d’adolescents conventionnels (une photo d’un joueur de Subbuteo va illustrer un de leurs premiers EP…) va exciter le royaume de sa très gracieuse majesté des années durant et ouvrir pour les intouchables Clash.
Mais pourquoi ?
Il suffit de se pencher sur leur album pour comprendre, on y retrouve une énergie juvénile simple, quasi innocente et gratuite, s’affranchissant avec exubérance de cet ennui mortel par l’intermédiaire de la voix du chanteur Feargal Sharkey.
Quelle organe, quel son indescriptible dont le grain se situe à mi chemin entre celui d’un castra énervé et d’un ado en pleine mue !
Les nombreuses chansons de ce copieux premier opus à la gouaille contagieuse cristallisent tous les thèmes classiques de l’adolescence sans exception, dans le désordre : Les jeunes filles que l’on veut serrer avec sa nouvelle bagnole « Girls Don’t Like It », la notion réactionnaire et commerciale de famille heureuse « Family Entertainment », être moche « Male Model », l’envie de partir « I Gotta Getta », le béguin pour une nouvelle venue dans le quartier « Teenage Kicks », la fille qui vous maltraite « Wrong Way », les mauvais garçons de votre quartier « Jump Boys », la joie de voir l’été et son lot de filles légèrement vêtues « Here Comes the Summer », le thon qui vous court après « Get Over You », celle qui vous plaque « Billy’s Third », le suicide « Jimmy Jimmy », les faux culs en général « True Confessions », la ratée du quartier « She’s a Run Around », le grand amour « I know a girl » …
Si vous avez la version bonus vous aurez aussi droit à d’autres lamentations amoureuses, et autres brûlots vitaminés, une fabuleuse ode hystérique aux barres Mars « Mars Bars » et pour finir en beauté, une reprise merveilleuse « Let’s Talk About Girls » des Chocolate Watch Band, icône du rock garage américain des 60s.
Les thèmes universels abordés, et la voix du chanteur ne sont pas évidemment pas les seules forces de cet album.
La magnificence urgente et incandescente du combo, sa sincérité désarmante, sa puissance d’attaque guitares doubles + batterie est remarquable.
Et puis ce son, dur, corrosif, agressif et granuleux, portant à merveille le message de l’instant.
Du jamais vu pour un tel groupe de gamins, surtout en Europe.
Même si l’ensemble est bien exécuté et la production est assez soignée pour un premier album de la bousculade 77-78 on trouve quelque chose de plus, comme une rémanence nostalgique toujours vivace, mélange de chaleur et d’électricité.
Quelque chose qui vous fait aller mieux, qui vous montre que l’on pouvait vivre et danser, entre une bombe de l’IRA et une émeute hebdomadaire.
Un truc qui vous montre que des choses restent possibles, qu’il ne faut jamais baisser les bras, juste traîner au pub avec ses amis et monter le son.
Ouais, encore et toujours.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire