J’ai beaucoup de vices, est l’un d’entre eux est d’écouter de la musique en faisant tout autre chose.
En été je sors le ghetto blaster et je pratique une sorte de mini golf artisanal sur mon balcon, et l’hiver je nourris mon addiction insatiable pour FIFA 2003 (en plus toujours le même match, Wolfsburg - Manchester United en finale de ligue des champions, il y a une pathologie compulsive la dessous).
C’est d’ailleurs un bon test, quand l’écoute d’un album me bouleverse au point de me détacher de mon trio d’attaquants fétiche (Klimowicz – Karhan - Monteanu), c’est que je devrai le chroniquer.
Chose vécue, chose faite, je vais vous parler ici du remarquable « My Aim is True », premier album d’un certain Declan Mac Manus, alias Elvis Costello à la ville.
Qui eût cru (à commencer par sa femme) que cet informaticien de formation travaillant dans une usine de rouge à lèvre et de crème dépilatoire ait pu devenir un des artistes et des songwriters (dans la veine de Dylan, sarcasme et intelligence) les plus doués de sa génération pourtant fertile ?
Sûrement pas les plus frileux des labels londoniens de l’époque pourtant réputés pour leur flair et leurs goûts pour le moins aventureux, qui déclinent poliment.
Il est vrai que ce petit bigleux énervé, écumant les diverses scènes Londoniennes depuis 1970 en compagnie d’amateurs et de semi pros n’a pas vraiment la bonne tronche pour des castings version 77’, en tous cas jusqu’à ce qu’il dépose une casette chez Stiff Records, sa « Honky Tonk Demo », enregistrée à mi voix tard la nuit pour ne pas réveiller son jeune fils va finalement le faire signer, avec une avance de 150 £ et un ampli Vox tout neuf à la clef.
Trois semaines plus tard il sera en couverture de magazines.
Le fruit de ces chiches mais fertiles sessions d’enregistrements va donner un disque totalement classique (chœurs et mélodies), mais sec, nerveux, tendu et épuré (vitesse rythmique, guitare féline affûtée et voix d’enragé passablement excédé) l’inscrivant totalement dans la mouvance punk, malgré des nappes de synthés adroites et malicieuses.
Toutes les chansons qui y figurent valent leur pesant d’or, énergiques, électriques et fourmillantes d’idées piquées aux grands anciens d’outre atlantique (il suffira de se procurer la riche édition double CD Rhino et profiter de très bons bonus enrichis de la susnommée démo) et d’arrangements simples, fins et directs, sans chichis.
Avec une ouverture en fanfare, cymbales et chœurs compris « Welcome to the Working Week » est une critique acide du monde du travail par cet ex employé de bureau révolté, le ton est donné froid, lucide, décalé. Ce britannique moyen se révolte contre tout ce qui pourrit la vie du Mr Smith de base, à commencer par…les femmes.
La dulcinée excessive et insatisfaite demandant toujours de l’argent « Blame it on Cain », reprochant tout et n’importe quoi pour oublier ses propres défauts « Miracle Man » et « No dancing », végète devant des séries TV stupides « She’s Watching the Detectives » et qui pour enfoncer le clou vous trompe, « I’m not Angry » (où ce coquin d’Elvis immortalise en photo les ébats avec l’amant de service depuis le placard de la chambre en vitupérant angry, angry, angry), vous largue « Pay it Back » et se marrie avec un autre « Alison ». Pauvre histrion, copie anglaise et talentueuse de Presley et de Roy Orbison malmené par la gent féminine.
Il regarde tout ce joli monde exploser en ricanant sur fond de ligne de basses groovy et de riffs aigrelets « Waiting for the End of the World », ressassant ses mythologies rockabilly «Mystery Dance» (Roméo et Juliette 50s) et tourne en dérision le leader fasciste anglais Oswald et ses tatouages en forme de croix gammées « Less Than Zero ».
On aura compris au premier coup d’œil que le bonhomme, plus fantasque qu’il ne le parait porte une attention toute particulière à son look, lunettes Buddy Holly, vestes en tweed, chemises écossaises et mocassins.
Normal qu’il concocte alors un cri du coeur scintillant et hilarant pour empêcher les anges de lui piquer ses chaussures rouges vernies préférées « (The Angels Wanna Wear my) Read Shoes ».
Vous l’aurez donc compris, la vigueur intemporelle et la justesse abrasive de cet album protège de tous les ravages du temps.
Et allez, avouez le, les lentilles, ça irrite vachement les yeux.
dimanche 25 novembre 2007
Un myope en colère
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