vendredi 18 mai 2012
La ferme des animaux
Alors comme ça, le changement c’est maintenant ? Il faut laisser la place aux jeunes, apprécier et admirer la beauté juvénile turgescente d’une bande de petits merdeux ? Magnifier leur vigueur débordante et leur poisseuse immaturité puérile ? Soit. Je n’ai jamais eu l’âme d’un résistant mais j’ai toujours cultivé une belle nature de fayot.
Je peux le faire. Je vais le faire avec toute la détermination éthylique d’un douanier méridional. Avec, bien sur, un zeste du poseur parisien incorrigible que je suis (je te le dit à toi petit lecteur dur mais néanmoins ô combien compatissant devant lequel je comparais à chaque fois dans mes oripeaux de musicien déçu et de critique raté). Mais cessons de parler de moi.
Que le supplice commence, je vais vous parler d’un groupe de jeunes. Pas les jeunes de 32 ans des productions de France Télévisions, non. Des jeunes, des vrais, de ceux qui se battent jusqu’au sang pour un reste de Mister Freeze, pour une place sur un banc, le baiser d’une fille. Des jeunes, dont la créativité s’épanouit dans l’ennui. Dont la pression urbaine à froid donne une pâte encore plus fraîche que le pot de Bridélice 0% refroidi par le chef de rayon nazi de votre Ecomarché-G20-Franprix-Monoprix le plus proche.
Tu l’auras compris Mézigue, ce soir je vais te parler d’un vrai groupe de jeunes, certificat de naissance à l’appui (l’ensemble du combo a moins de 18 ans de moyenne d’âge). Il a fallut chercher cette bande de délinquants juvéniles dans une région séminale.
Un endroit du globe où les mômes sont trempés dans le rock haute énergie depuis leur petite enfance, dopés dès la naissance comme des vaches aux hormones (ou des athlètes d’Allemagne de l’est). Cet endroit, c’est celui du triangle d’or de la distorsion. Constellé d’usines à l’abandon et de trailers parks survivant de petits trafics afin de financer les descentes hebdomadaires au mall, entre un plat chez Chuck E Cheese et les emplettes au Dollar Tree.
Cet endroit, c’est la bien nommée ceinture de rouille, la « rust belt ». Une sorte de Tourcoing meets Amiens et Charleroi américaine. A l’extrémité ouest du triangle maudit Chicago-Detroit-Cleveland vit Elmhurst. Tranquille bourgade de la banlieue interminable de Chicago d’où proviennent The Orwells. Un groupe de jeunes touillant un rock indé rugueux et plutôt tendu. Les ingrédients sont présents au rendez-vous : une belle petite énergie et un son étonnamment mature, bien que peu original, mais américain, sale et dégoutant à souhait.
L’album dont je vais vous parler est le premier livré par cette formation (le groupe n’est d’ailleurs pas encore signé, ce qui ne saurait tarder). L’effort s’appelle « Remember When », et c’est un fort joli premier album, costaud et sobrement produit. Il s’ouvre sur une ballade électrique vaguement mélancolique. « Lays At Rest » débute dans des entrelacs de guitares gratouillées introduisant une rythmique aussi kitsch que simpliste de tambourins et claves. La chanson raconte les tourments d’un adolescent psychotiques d’un jeune homme venant d’abattre une fille d’une balle dans la tête. Sous ses pieds s’ouvre un gouffre, celui de la culpabilité, de l’erreur et de l’angoisse, et, déjà trop vieilli, cet adolescent ne peut que se souvenir.
La deuxième piste est la plus rock’n’roll de tout l’album. C’est un pastiche punk d’un groupe souhaitant faire la synthèse entre les Stooges et les Artic Monkeys. Le grand écart de l’énergie, entre USA et Royaume Uni. Un filtre de voix tout simplement pompée sur Iggy pop, un refrain aussi crétin que ceux des Animals de la grande époque « la la la la lalalalala la la la la la lalalalala etc… », un riff de guitare taillé dans la masse qui vous tombe sur le coin de la gueule comme une embuscade du Vietcong. Cette chanson méchante laissera l’auditeur comme après une cuite américaine : souffreteux au Taco Bell du coin en essayant de concilier l’aigreur de 10 jaeger bombs avec la hot chily sauce des burritos with extra cheese.
Notre bande de petits rigolos laisse ensuite retomber la pression avec « Halloween All Year ». Un morceau transpirant la nostalgie, les regrets, le tout donnant faisant ressentir un mal être quasi-emo. Avec une voix plus déprimante que jamais, un brave garçon nous relate ses cauchemars dans lesquels ils tentent de trucider un mort vivant qui le suit chaque fois qu’il ouvre les yeux. Les cymbales crashs bousillent le morceau, et la guitare plaintive à la limite de la rupture semble s’évanouir dans un dernier larsen.
La chanson suivante à tout bonnement volé son intro sur « Slave Girl » des Goo Goo Dolls (ce qui est bien sur une référence validée par la rédaction de ce modeste blog). Les guitares sont plus sautillantes et la mélodie nettement plus joviale, disposant d’assez d’ampleur pour évoquer un peu le swinging London. « All The Cool Kids » brosse le portrait acide d’une jeunesse hédoniste sombrant dans la luxure et la défonce « You’d rather stay high than say hi ». Le morceau durcit pour finir dans des derniers échos de guitares tripantes se perdant dans la nuit du midwest. La chanson suivante renoue avec la lignée US la plus pure. Une écriture que d’aucuns qualifieront de Newcombienne (ohlala), et des riffs de guitares directement pompés sur ceux du Brian Jonestown Massacre. Le tout délivré dans un packaging un peu plus juvénile et plus nerveux, qui n’est pas sans rappeler l’ambiance délétère et garage des Flamin’ Groovies. Le mélange fait largement la blague avec une voix à mi chemin entre un Iggy Pop cool et un Jack white un peu en colère.
Le groupe appuie à nouveau sur le champignon avec la piste suiranve « Hallway Homicide » où le métissage Rock US/UK du groupe est encore plus nettement mis au jour. Une section basse/batterie digne des Ramones ouvre la route à des guitares aigrelettes couinant à toute allure comme celles des Libertines de la grande époque. Ce groupe est bel est bien une synthèse (poke au président, léchage de boule oblige mais je retournerai ma veste après les cent jours comme tout le monde héhé).
Le groupe d’Elmhurst continue à nous faire explorer les atermoiements sentimentaux adolescents avec « In My Bed ».
En effet, après l’ennui, la violence, les visions psychotiques, l’amour a enfin voix au chapitre. Pas de la manière la plus fun certes car il s’agit d’une chanson de rupture. Les plus douloureuses, celles murmurées à demi mots en utilisant les moyens et les médiums les plus déroutants. Il s’agit ici d’une conversation sur l’oreiller. Ce doux instant, cette délicate conversation se mue en moment de rupture tragiquement déroutant. « C’est la vie, parfois faite de mensonges et de faux semblants », semblent nous dire ces rockers désabusés dont les voix se répondent. « Never Ever », la chanson d’après continue dans la veine de la mélancolie. Il est question ici de temps qui passe, de la peur devant l’âge et du changement. La basse fuzzy, les chœurs et la saturation improbable produisent un assemblage évoquant les Replacements. L’adolescence, à la fois si belle et si douloureuse, passant si vite et se termine dans un fracas : la maturité, une petite mort qui effraye diablement nos amis et les déprime d’avance.
Un nouvel instrument fait brièvement son entrée afin de soutenir les mélodies de guitares, l’orgue.
Ce dernier sert de prétexte afin d’amorcer le triturage d’un vieux thème bluesy, celui de la fuite de la bien aimée quittant sa ville merdique, laissant son amoureux sur les carreaux. Le refrain « My old baby’s got me down » servant de motto à “Like No One Else”. Le tempo continue de se poser sur “Ancient Egypt”. La voix nettement moins filtrée rappelle les Strokes et permet des modulations intéressantes avec les guitares qui deviennent passionnantes lorsque nos ados de l’Illinois se laissent aller à de petites fantaisies. Le morceau s’efface progressivement sur un fade out rappelant les beautés nocturnes et vénéneuses des prostituées dans les rues la nuit tombée. L’album se solde par une dernière chanson déprimante, portée par des guitares gratouillées comme des mandolines (surement un hommage aux origines italiennes du chanteur Mario Cuomo) écrasant la chanson de toute leur acidité sonore. Une dernière piste que vous pourrez donc zapper sans trop de remords.
Et bien voilà, les élections sont terminées. Le nouveau président investi, mon dû est payé. Mon allégeance est consommée et mon blanc-seing total. J’espère juste que cette séance d’auto flagellation democratico-republicaine absurde aura pu vous faire découvrir un groupe intéressant dont l’album est disponible gratuitement ici. Je tenterais de faire preuve de plus de goût et de plus de style dans la prochaine chronique. Il n’est évidemment pas sûr que je réussisse. D’ici là portez vous bien.
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