Autant vous le dire franco j’aime profondément cet album car il me permet de vérifier deux de mes théories les plus fumeuses et donc de flatter mon pitoyable ego :
La première est que les groupes qui vous sont proches, qui vous respectent et vous aiment sont les meilleurs (ici les tirades bien senties d’action Joe lors d'une interview qui vous le prouvent).
La seconde, stipule que les premiers albums, ceux des absolute beginners ne sont pas toujours les meilleurs, mais les plus frais, spontanés, revigorants et souvent bouleversants.
Que pourrait-on dire d'autre à l’écoute de toute cette conviction désinvolte dans la voix de Joe Strummer? Comment ne pas applaudir à l’écoute de la batterie plus qu’approximatives de Terry Chimes? Cet album est une vraie tranche de courage collectif en fin de compte.
Le grand (au sens physique du terme, et plus tard technique) Paul Simonon, jouant depuis quelques mois tresse ses lignes mélodiques furibondes à l’aide de scotchs indiquant les accords sur le manche de sa basse precision.
Quand à Mick Jones, qui, noyé dans le speed au moment de l’enregistrement vous balance ses boules de fils de fer Thunderiennes, solos taillés à la tronçonneuse à la tronche.
Tout est là déposé dans cet album au son produit à la va vite et si pauvrement mixé qu’il illustre parfaitement le propos de la chanson « Garage Land » et de son harmonica lancinant, et, ce monoxyde de carbone qui vous reste dans la gorge, comme une bouffée de cigarette âcre et délicieuse.
Et tous les aspects de la vie y passent, tout un catalogue d’emmerdements quotidiens est taillé à la hussarde par le gang de Portobello Road.
Soucis personnels présentés de manière triviale, comme les cadres en bois mous du slip « Janie Jones », les menteurs de merde « Deny », les préservatifs qui vous poursuivent partout « Protex Blue », l’ado barré en pleine crise identitaire adolescente, tombé dans la petite délinquance « What’s my name?» dont les paroles sont hilarantes « j’ai essayé de m’inscrire dans un club de ping pong mais le panneau sur la porte disait complet… », et même l’ennui pesant qui va avec « London’s Burning » (Londres brûle d’ennui).
Une forte dimension politique, locale et internationale y est adossée, car comme ils disaient « trop de chansons d’amour on déjà été écrites », avec à la clef une des plus féroces critiques de la grisaille mondiale de l’orée des années 80 pas très gaies, avec l’impérialisme américain des années Reagan « I'm So Bored With the U.S.A. » et les guerres sans fin « Hate & War » portée vocalement par Mick Jones himself.
Les politiciens (forcement vieux, gros et véreux), en prennent pour leur grade sur fond de chœurs plaintifs de « Remote Control». Le générationnel « Career Opportunities » initialement parti d’une brève d’actualité révélant que le Royal Mail ne proposait des emplois au squatters de Londres que pour trier des colis éventuellement piégés par l’IRA.
L’émeute, symptôme primaire de souffrance et de malaise social a aussi sa place avec le fameux « White Riot » (à tort compris par certains comme un hymne d’extrême droite de première bourre). On oubliera pas « Cheat » qui en résumé vous incite à tricher si vous voulez vous en sortir comme vous le voulez (pas recommandé d’écoute en période pré Bac).
On se penchera par curiosité le très symbolique reggae de Junior Murvin « Police and Thieves », premier pont tendu entre punks et rastas.
Certains génies ont dit que ce premier effort était la bible du Clash et que plus rien ne restait à dire, et bien ils se trompaient.
Je dirais à ces amateurs de spiritualité que ce n’était que le cri de Moise dans le désert. L’évangile ne sera écrit que quelques années plus tard et portera le nom de London Calling.
Rassurez vous, nous le relirons ensemble un jour, si vous le voulez bien.
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