Tiens, tiens, comme de par hasard, une vision fort Star Shooterienne de la vie et des affres de la jeunesse en particulier, mise en boite dans de grands ensembles immobiliers déshumanisés. Condamnée à l’ennui et au chômage, tournant en rond comme le booster
Le groupe de lycéens lyonnais voit le jour au cœur de l’infernal été 1976, écrasés par l’ennui mortel et le soleil rhodanien avec un seul mot d’ordre, sorti directement des lèvres du leader Kent (d’ailleurs aussi anglais que je suis kazakhe) « On veut jouer vite et fort, et les vieux rockers nous font chier ».
Le groupe soudé répète comme des forçats dans un hangar désaffecté voué à la démolition, en compagnie d’autres gloires locales comme Electric Callas et Marie et les garçons.
La technique que ces jeunes n’ont pas, s’échange comptant contre une énergie débordante et un humour aussi second degré que ravageur.
Les premiers concerts amateurs et improvisés s’enchaînent et un premier papier arrive, rangeant le groupe aux cotés des punks, au grand étonnement des principaux intéressés, qui ne connaissent même pas ce mot !
La machine Starshooter se met en marche, signée par Pathé Marconi elle avance tel un Panzer de la bonne humeur, à grands coups de 45 tours, de scandales désopilants et de provocations réjouissantes.
On retiendra de mémoire les publicités, toutes plus grinçantes les unes que les autres, sans parler le leurs produits dérivés( « Nous livrons nos T Shirts « Starshooter c’est de la merde » déchirés, troués et sales pour un supplément de 2 francs » ).
L’attitude y est mais la musique alors ?
Elle est parfaite, pour vous, pour moi, jeunes gens désabusés qui s’ennuient à leurs balcons et dans leur chambre, dans la rue comme à l’école.
Pas intello ni condescendante, comme ce rock anglo saxon qui certes, vous prend au tripes, mais qui est loin, si loin…
Le rythme déménage, les chansons dansantes, coupées au cordeau, les paroles (souvent hilarantes) sentent le vrai et le bitume tiède, bref le ton est juste.
Un chant scandé d’une voix rauque et inexpérimentée, porté par des instruments en roues libre.
Le groupe sera loué par Gainsbourg himself, suite à leur reprise du « Poinçonneur des Lilas ».
Pourquoi cet album alors ?
La raison est simple, « Inoxydable » est la compilation la plus complète et la plus astucieusement panachée du lot des (rares) rééditions musicales livrée par EMI, réunissant titres de singles, l’albums, lives et raretés en bonus.Et la seule approuvée par le groupe.
On notera quelques points faibles comme la redite provoquée pas certains lives ou versions alternatives intéressantes mais chassant d’autres très bonnes chansons comme « Collector » ou « Encore Compter, Toujours Compter ».
Les chansons reprennent globalement leur ordre chronologique de sortie, au début la pêche totale et l’hystérie « Quelle Crise Baby » envoyée à deux cents à l’heure raconte l’histoire d’un looser voyant tous ces amis et ses connaissances se suicidant tour à tour autour de lui.
« Get Baque » un brûlot dédié aux Beatles, descendus en flammes pendant 2 minutes 30, avant goût : « Yen a marre des Beatles et de leur musique de merde, bonne à faire danser les minets… ». Il fallait oser à l’époque, surtout lorsque l’on venait de signer dans la maison desdits Scarabées (le single fut retiré des ventes en une semaine sur ordre des gentlemen de Liverpool malgré un succès commercial).
Les lyonnais vont refaire parler d’eux avec un hit dans les charts français, le dansant « Betsy Party », morceau bon enfant et enjoué au riff killer, cité dans le classement de la vénérable compil musicale de Rock’n’Folk.
L’ennui adolescent a aussi sa place avec « Inoxydable », narrant le quotidien d’élève en lycée technique et « Week End » innovant avec sa guitare acoustique, et décrivant de manière féroce les milles et uns faits composants le week end de banlieusard lambda.
La dure vie urbaine est fort présente parmi ces 35 titres avec « Affichage Sauvage », ode rock aux affiches et tags égayants « ces rues tristes comme un mauvais Delon… », « En Chantier » livre aussi la force brute d’un bulldozer démontant un bunker en violant les oreilles de l’auditeur, « A Toute Bombe » parle évidemment de cours poursuite endiablée et de baston.
Le beau sexe a aussi sa part de gloire avec « 35 tonnes », qui, sur une rythmique binaire (la cloche tout le long du morceau force le respect) et une basse langoureuse comte les aventures d’un bon vieux routier rencontrant une charmante auto stoppeuse sur la route d’Istanbul, vous vous imaginerez par vous-même la fin de l’histoire.
Le titre massacreur « Pin up Blonde » est assez évocateur pour ne pas pousser plus loin la dissertation.
On restera baba devant la reprise de « Sweet Jane » ailleurs introuvable rebaptisée en français dans le texte « Hygiène », dont les paroles sont hilarantes.
Dites moi s’il vous plait quels groupes français de l’époque connaissait l’existence de Lou Reed et du Velvet et si ils auraient eu le génie, l’audace (ou la bêtise assumée) de regraver un de ces morceaux en français avec des paroles désopilantes.
Pour la petite histoire, pour des raisons de droits, nos lascars l’ont enregistré sous le doux pseudonyme de Scooters.
La déconne n’est pas le seul point fort de ce groupe, une critique sociale et sociétale de la France et du monde assez maligne et nuancée pour être pertinente, sans verser dans l’auto flagellation, ni dans l’apostrophe larmoyante digne d’un mouton blessé anémique (dédicace à Saez).
Tout y passe, « Ma Vie C’est du Cinéma » très kung fu 80’s et le violent « Papillon de Nuit » sur le show biz où les drogués du milieu et les groupies en prennent du coup.
Même si les sonorités sonnent très dub et reggae 80’s peuvent paraître avec le temps dérangeantes, la plume de Kent, toujours trempée dans l’acide fait merveille.
« Quel Bel Avenir », « Nouvelle Vague » et « Machine à Laver » fustigent tour à tour la place faite aux jeunes dans la société, la société de consommation avec l’intelligence d’oublier les grands slogans habituels.
Il faut dire que ces titres interviennent à la fin de la carrière du groupe, les textes restent appréciables mais que la sonorité plus World et Pop alors à la mode est moins ma tasse de thé, avis aux fans de congas, saxophones, claviers et de slam de basse.
On ne crachera cependant pas sur « Congas et Maracas », chronique du pétage de plomb d’un chômeur récent dilapidant tout en boite de nuit (ou dancing) comme on disait à l’époque.
Voilà vous aurez sûrement compris en lisant ces lignes pour le moins dithyrambiques que vous devez absolument vous procurer cette galette, car vous êtes tous un peu des jeunes français ennuyés, ne vous déplaise.
Pour les amateurs de bons textes en français on suivra d’un œil attendri la carrière solo de Kent, chanteur dessinateur.
On pourra dire sans mentir que Starshooter est un des groupes français de l’époque les plus injustement oubliés et dévalués de l’époque, mais aussi certainement le plus attachant.
Bon je vous laisse, sur TF1 il y a un reportage sur une grand-mère karateka.
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