dimanche 13 février 2011

Walk like an Egyptian

Bon, alors ça y est. Les copains égyptiens ont fait le boulot. Well done guys. Vous nous avez donné au monde une leçon ainsi qu'un bon spectacle bien rock and roll.  Tout ceci avec la mythologie révolutionnaire qui va avec : grosses bastons, caillassages en règle des fourgonnettes blindées, volutes épaisses de lacrymogènes, concours de T shirts mouillés avec des véhicules lance à eau, F-16 en rase mottes, cocktails Molotov, foule debout sur les bagnoles, V de la victoire derrière les barricades, scènes de liesses de grandes grappes humaines agrippées aux T 84 aux teintes de scarabées des sables.

On aura même vu des fleurs et des bougies à la con, style révolution de velours. On a même eu le droit à du hardcore rioting couleur locale avec des agitateurs à dos de chameau, fonçant dans la foule à coups de bâton, ambiance bataille des pyramides.
Il ne manquait que les fiers mamelouks et leurs cimeterres. 
Je ne vous cache pas non plus que (cerise sur le gâteau) les journalistes et autres observateurs sont tombés à cours de noms de fleurs à la con à donner à ce grand soulèvement populaire. Ce qui ne gâche rien à la fête.
Du grand spectacle les mecs, bravo à vous. C’est votre instant, profitez en bien, vous avez bien mérité ces quelques trop rares instant de joie et d’espérance, d’enthousiasme collectif aussi pur qu'irraisonné.

Que notre cher lecteur prenne ces biens modestes écrits avec recul et dérision. Point de condescendance de ma part, ni de réjouissances fraternelles à peu de frais. Pour quelles raisons me direz-vous ?

Premièrement parce que n’est pas Bernard Henri Levy qui veut et deuxièmement, l’auteur de ces mots est bien conscient que la seule scène de liesse populaire qu'il a réellement vécu à été par un soir chaud de juillet 1998 la victoire de la France pendant la coupe du monde de football. Une expérience qui permet un certain relativisme, vous en conviendrez.

Dévorez donc ce moment mes amis. Rêvez un peu avant de vous faire claquer le beignet ou de vous faire ôter le baklava de la bouche par le premier militaire de passage ou le premier frère musulman revenu de son exil. Ne laissez personne vous ôter ces instants merveilleux, gardez ces morceaux de béton agglomérés tachés de sang. 
Vous les revendrez à prix d’or aux touristes gras et écarlates, abrutis par le soleil, beats d’admiration, vous demanderont comment c’était, le sourire en coin et la lèvre tombante, l’œil avide. 
Et ce vendeur de souvenirs racontera encore et encore son histoire. Les rideaux des commerces tirés, les rumeurs, les grandes bousculades et l’odeur rance de la sueur, celle métallique du sang dans la bouche. Tous ces détails qui font les petites et les grandes histoires sont fugaces et précieux. Je vous laisserais donc en compagnie de mots bien plus importants que les miens, ceux du romancier Pierre Clostermann, quelqu’un qui a connu le combat, la peur et l’oubli des choses:

 « Le grand cirque est parti. Le public a été satisfait. Le programme était assez chargé, les acteurs pas trop mauvais, et les lions ont dévoré le dompteur.

On en reparlera en famille quelques jours encore.
Et même quand tout sera oublié - la fanfare, le feu d’artifice et les beaux uniformes -, sur la place du village subsistera encore l’auréole de sciure de la piste et les trous des piquets.
La pluie et l’oubli en effaceront vite les traces. »


Bonne soirée à tous.