samedi 25 avril 2009

New wolf in the pack

Bon les mecs et les meufs, juste une petite ligne pour vous dire que ce modeste blog s'enorgueillit d'accueillir une nouvelle plume. Celle de Maxence.
Ce n'est pas n'importe laquelle, aiguisée, trempée dans l'urbanité lyonnaise et le rock high energy le plus pur.
J'ai longuement réfléchi aux adjectifs et épithètes que j'aurais pu lui accoler mais j'ai matière à penser que vous vous rendrez compte par vous même.
C'est à ça que l'on détecte le talent, à l'insolence quasi insupportable de l'évidence.

Bonne lecture à tous.

jeudi 23 avril 2009

Nom d'oiseau

Ok, tout le monde ou presque se reconnaît dans la mythologie stoogienne, la fratrie sonique, le rock and roll à son paroxysme, intransigeant, séminal, déployant des passions fascistes pour le groupe. Les Stooges ont ouvert la brèche électrique balayant d'un revers de wouawoua vicieuse les effluves psyché des sectes de baltringues en sandales et chemises à fleurs. Bowie avait bien compris ce qui se passait, en explorateur-suceur de génie. Dès la fin de Raw Power et alors que l'iguane barbotait dans les caniveaux et les bordels de New York après avoir réalisé l'ultime coup de l'album le plus pervers de l'histoire, c'est le grand sauvetage, la bouée de secours qui va réveiller le lézard avant que celui-ci ne s'écrase définitivement dans une spirale autodestructrice. C'est en H.P. que Bowie va venir chercher le Igg et lui proposer de commettre un dernier forfait avant l'éden berlinois: les saucisses, les squats arty et la coke en tutu japonais. C'est le point culminant d'une époque, le sommet d'une vague qui va influencer toute une génération de crêteux post-punk, batcave, électro indus en tous genres avant de s’écraser sur le marbre des rochers. De cette collaboration va naître deux trilogies (Low, Heroes et Lodger pour Bowie et The Idiot, Lust for Life et Kill City avec Williamson, que je recommande chaudement).

C'est donc un album à deux mains que nous avons là, bâti dans l'atmosphère opaque d'une ville totem comme un manifeste absolu de modernité urbaine et crasseuse. La voix d'Iggy est d'ailleurs beaucoup plus mature, spectrale, chantant comme un Sinatra d'outre tombe sous amphétamine. Le premier morceau Sister midnight pose les bases d'une rythmique robotique jazzy, les guitares en arrière-plan tissent des mirages d'architecture futuriste monolithique, s entrechoquent dans une micro symphonie de synthés orientés gore italien du début des années 70. C'est un peu la réponse clin d’oeil au Sister Morphine des Stones (Dieu que je déteste cette chanson), sauf qu'ici, c'est plus psychanalytique, tendue sur la corde sensible d'une chute vers des horizons électroniques, informatisés, impersonnels. Les S.S. en cravate ficelle de Kraftwerk et Neu! ne sont pas loin et programment déjà leur moog en révisant leur C++.
Il y a du jazz dans The Idiot, du jazz blanc de bar miteux, des lumières diffuses de clubs 70's, des ectoplasmes à iroquoise et perfecto, des couleurs violacées rendues visibles par le prisme d'une cité fantasmée ou se mêlent ironie et errance. Le très kraut (kraut codec) Nightclubbing, où il est question de déambulation nocturne sur le son de guitares furieuses n'arrive pas à se décrocher de cette rythmique synthétique de piano bar nauséabond ou se côtoient putes célestes et freaks cold wave. Tout l'album est dans cette dualité jazz/électro qui se marrie dans le minimalisme et la glace.

Funtime réintroduit l'espace d’un instant le Raw: tempo serré, solos acides, montée crescendo, effervescence métallique soutenue par un Bowie surexcité background qui donne envie de s'arracher en caisse, faire des burnouts sur le parking d'Auchan ou de faire du patin à roulettes sous la pluie ivre mort. La reverb fait très psychobilly, mais le refrain de Bowie noie le poisson dans des chœurs de zombies macrobios en manque (de sexe et de drogue, il va sans dire). Baby, s'enchaîne sur cette drague décomplexée et propose une comptine romantique ou Iggy crooner exulte d'une romance binaire claustro. La voix touche ici par sa gravité burlesque, joue au funambule sur le fil du rasoir sans jamais s'entailler, parfois jusqu'au dernier souffle du dernier cri comme sur China girl, tube stupide de Bowie qu’Iggy arrive malgré tout à façonner en drama d'hôtel de passe tendance Thaïlande un soir de vin mauvais (et dieu sait que le pinard doit être dégueulasse la bas).
Puis viens le grand hommage, la madeleine sonique noyée dans les remords ou Iggy se pose la question suivante : Où sont passés les Dum Dumb Boys. Vous l'aurez compris, il s'agit des frères Asheton dont Iggy déplore l'absence en se remémorant ses conneries passées et le O'mind de ses 22 piges. La fascination première reste intacte mais la force n'y est plus, même sous le riff marteleur typé Asheton, la maturité ayant fait son érosion. Reste juste la silhouette du monstre électrique comme une chimère d'une autre époque. Epoque qui semble s'être terni au gaz néon, aux reflets troubles des grands panneaux électriques comme ce Tiny girls – tragicomédie de comptoir au saxophone - qu'on pourrait prendre pour une chanson d'amour mais qui n'en est pas une avec son timbre de boulard proto goth.

Pour bien faire il faudrait écouter Low en parallèle , même imagerie, même fusion synthétique de boîte à rythme de magasin de jouets et d'ambiance steam seconde guerre mondiale tendance Varsovie et méchants nazis. L'influence est réciproque, quasi consanguine. Cela donc aurait plus de sens quand vient Mass Production et ses 8 minutes d'atmosphère noisy limite shoagaze, industrielle et entêtante comme pourrait l'être la rengaine d'une chaîne de montage issue de 1984 (ou toute autre anti utopie urbaine). L'iguane se mue alors en prophète new age perché annonçant l'ère décadente d'un modernisme dantesque et lobotomisé type métal hurlant et prison haute sécurité.
Et oui, The Idiot... on comprend mieux la chose à la lecture de la théorie punk applicable sans nul doute à la "bonne" musique, musique déconstruite qui se revendique du bruit pur et simple (Music is for zeros, noise noise noise is for heroes hurlaient les Damned). Un truc d'abruti en somme dont le seul intérêt se résume à la recherche d'un shoot d'énergie primale. Iggy et Bowie restant précurseurs c'est un orchestre de bruits qu'ils proposent et avec eux va la musique binaire, concrète, électronique, idiote, dont on antécèdera les genres de "post" ou de "death" mais qui finalement reste le meilleur (donc le pire) reflet de notre époque. La belle merde me direz-vous ? Demandez à Ian Curtis tiens.

Dorénavant, il faudra compter, en cette fin 77, sur le nœud de la corde du pendue, la nausée. C’est peut être ça le post punk, une gueule de bois collective, la conscience que peut être cela n'a servi à rien, que trois power chords n'auront pas changé le monde et que sur les ruines de la bacchanale est née une vision plus profonde de l'enfermement urbain. Eviter d'être ravalé par la société de spectacle, casser les structures musicales qu'on avait entamé sur des bases classiques, ne plus se référer qu'à des dimensions intimes, des mélodies organiques, des relents. Finis le grand Fuck off, il va falloir faire avec un nouveau romantisme, un nouveau lyrisme qui émerge et qui déjà fait pousser des mèches sur les cranes rasés et des gabardines feutrées sur les cuirs tachées à la bière. La fête est terminée, les parents sont de retour dans la baraque, cachez vite les culs de joints et les packs de 8-6, planquez sous le lit les vinyles des ramones et réveillez les derniers mecs en t-shirt fendus jusqu'au nombril qui cuvent dans la baignoire. C’est fini les conneries! Remarquez la cuite était bonne, le lendemain va être difficile.

Maxence

vendredi 17 avril 2009

Nuit Blanche

Vendredi 17 avril : Je viens de louper mon train. Un petit Eurostar qui m'aurait ramené à Londres bien vite et sans encombres.
Mais voilà, je ne me suis pas réveillé à temps et je l'ai loupé, comme un connard.
Donc me voici de retour, dans ma garçonnière parisienne, seul, et je fais le bilan.
Un avenir professionnel pour le moins incertain, un goût naturel pour le stupre et la facilité crasse toujours aussi prononcé, et une vie sentimentale à la dérive (et encore c'est un doux euphémisme). Devant un monceau de ce genre de nouvelles réjouissantes je fais habituellement trois choses:

1) Je me bourre la tronche avec des bons vins de terroir (ce soir c'est fête: Sancerre + Mâcon Village, les deux de grande qualité, s'il vous plaît).

2) J'écris une poésie, de préférence en alexandrins, dans un style bien pesant:

Que sont ces infinis que les étoiles renferment ?
Ces multitudes qui chagrinent l'âme humaine
Oui, j'ai bien cru ce soir les avoir aperçu
Dans leur douceur et la vérité la plus nue

Mais déjà ces vers me paraissent ineptes et morts
Et meurent dans mon esprit tandis que je m'endors
Dans une douce nuit et ses exquis parfums
Qui m'amènera encore trop vite à demain

Car pour la nuit entière, mademoiselle vous êtes mienne
Et la lune pâlit car je suis infidèle

3) En dernier lieu j'écris une chronique rock de qualité moyenne sur un album FM, commercial, et donc sous évalué, que des gens trop satisfait de leur vie ont pu auparavant démolir.
Les Donnas arrivent donc à pic pour me sortir du spleen. Je ne vous ferais pas l'injure, lecteur fidèle, de revenir sur mon coté fanboy absolu de ce groupe californien, le plus éhontément sexué depuis les Runaways. Je n'ai pas dit sexuel bien que Brett Anderson ait toutes mes faveurs (c'est dans ce genre de moment qu'on aurait bien tous aimé être Louis XIV pour une nuit, monarchistes ou pas).

* Interlude TV: Pub pour la Marine Nationale, ces mecs ont l'air de s'éclater, ça contraste avec le "Sans aucun doute" qui débarque après. Pourquoi tous les maris escrocs à la succession ont un accent marseillais, même après brouillage vocal? *

Bref, revenons à la musique, adolescente, pure, rock de pétroleuses, qui vous donne envie d'acheter beaucoup de gallons d'essence au prix de détail. Assez pour faire le plein d'une Chevy et aller faire un tour du coté de la baie, la seule, l'unique.
Tournez les clefs, laissez le V8 ronronner nonchalamment sous votre coupe, plongez une dernière fois les yeux dans le décolleté de votre passagère, il fleure le gloss framboise et le bubble gum tutti frutti.
Nous sommes prêts à passer la nuit entière, le vent dans les cheveux et la radio à fond.

Et bordel, ça commence vachement mal, la passagère veut passer prendre ses copines "It's On The Rocks" ça sent à plein nez le plan loose, à passer pour le chauffeur de service. La voiture avance aussi lentement que les coups de cowbell, heureusement qu'ils sont jouissifs. De toute manière, ces filles ne croient pas à l'amour "Love's like a car crash ...", c'est pour ça que chaque seconde, le kid en vous se sent plus amoureux. Tellement en chien que cette chanson dure et rêche pourrais vous faire faire l'amour à un mur de béton.
Le larsen reste en suspend quelques secondes pour vous faucher avant le prochain feu rouge, avec un "Uh ! " de la chanteuse noyé dans une mer de charley, la guitare se tend, rigide et compacte, la perche qui vous sors de l'eau, avant de vous refaire boire la tasse sur un solo incroyable. La chanteuse, encore humide vous demande de tout tomber. C'était "Take It Off".
Quelle soirée, maintenant elles vous pressentent pour les ramener chez elles, la porte est ouverte, c'est un uppercut dans le bide, elles vous ignorent et font la loi, règlent leurs comptes avec des connards qui ruinent la party "Who Invited You?". Les chœurs coups de pieds et les filtres de saturation rendent bien la cène. Ces filles s'occupent de vous et c'est votre dernier repas, accompagné par une basse oppressante et une guitare encore plus américaine que Charlton Heston pendant un meeting de la NRA.
Mais forcement la soirée se termine mal "All Messed Up" (et quelques chose nous dit que ce n'est pas à cause des coca light comment elles nous le disent). Les avances éhontément graveleuses ne peuvent que nous charmer "Pourquoi ne sautes-tu pas dans mon lit?". Flash and thunder, juste le temps de se souvenir du dernier film de boule qu'on a vu avant de sauter dans pieu, comme dans le train en marche. Un vrai hold up sentimental. Les performances vocales de la chanteuse, à la voix chaude, lascive et suave vous laisse plus que rêveur. C'est juste Bettie Page 2.0 au micro.
On passera vite sur "Dity Denim", même sir les chœurs en colères sont sympa, avouons-le les gueules de bois ne sont jamais brillantes, toute wonder woman que vous puissiez être.
Le ton est plus drôle quand ces demoiselles règlent leur comptes, ce côté catch dans la boue est des plus charmant sur "You Wanna Get Me High". Une sombre histoire de bellâtre de high school qui essaye après des années de moqueries et de quolibets de se taper une des filles maintenant dans le coup. La mi chanson débarque sur fond de ride un solo-tapping du feu de dieu, Thor lui même tordant des éclairs à coup de Gibson Junior (oula, ça va plaire à quelqu'un ça).

Fait cocasse: la chanson suivante est exactement l'opposé, (surement un clein d'oeil à la dualité de l'âme humaine, concept cher à Matthew Modine) la chanteuse se prend un râteau cash et se relève en deux secondes chrono. On se demande d'abord quel crétin a osé decliner l'offre et d'où ces filles tirent leur force : "I Don't Care (So There)". Perso, les râteaux, plus ou moins directs m'ont toujours valu plusieurs mois de prostration confinant à l'autisme.
Là on revient à la maison avec une chanson parlant de fête (eh oui, encore!), mais nous tombons nez à nez avec le morceau le plus riche de l'album "Pass It Around", solos interminables, reprises à la dérive abracadabrantes, chœurs scandés et chantés, apartés parlés, slapping de basse-ponctuation et gros tambourin. Un millefeuille si complexe et si beau de sauvagerie que les filles n'ont jamais osé jouer en live. C'est d'ailleurs le seul point faible de l'album (hormis la récurrence des mêmes thèmes, mais on ne l'a jamais reproché à AC/DC, c'est pour ça qu'on aime!).
Même si la production est carrée et bien léchée, elle l'est des fois un peu trop, et cet écrin précieux fait pâlir les chansons lives, même si ces demoiselles sont des routières forcenée des circuits indés, capables d'abattre autant de barrés seconde que Johnny Ramone.
On retrouve une bulle de fraicheur avec "Too Bad about your girl" au clip assez drôle (devenu introuvable sur youtube) mais là n'est pas important.
La production est plus originale et plus disco pop, les couplets sont plus posés, même si les refrains cognent, on touche là à quelque chose de d'assez novateur, comme du Blondie côte Ouest de l'an 2000. Les chœurs en canon à 1:25 sont justes ahurissants. Les efforts payent toujours comme dirait Juppé.
"Not The One" est a ranger avec leurs autres chansons-râteau, assez dégradantes pour mon orgueil de mâle. Je passe éhontément.

La piste suivante est beaucoup plus intéressante, sans attaque multi instrumentale fracassante d'entrée. L'introduction de "Please Don't Tease" se met en place doucement et en bon ordre guitare - batterie - basse alternant riffs, temps mort et charley. Brett se torture la voix, qui fluctue et se dédouble.
Maya Ford à la basse abat le bois avec une basse gironde, casi groovy. La gratte s'arrête et repart, se ménage des pauses, laisse la place aux handclaps et à une jolie cloche ride bien polie. Brett reprend le lead: "Baby please, I'm getting down on my knees". Quand elles s'y mettent, nos filles savent y faire. La nuance peut aussi être leur truc.
"Take Me To The Backseat" est un appel en règle au sévère tripotage et au roulage de patins hors piste.
Oui, la banquette arrière de la voiture de papa, ce lieu magique sentant la sueur, le slushy fraise, le plastique Valéo et la peau de chamois où tant de jeunes américains ont fait leur apprentissage charnel.
L'album se termine en beauté, avec une Brett impériale, toutes amygdales dehors. Lla section rythmique est aussi bien rivetée qu'un B 52 et porte la guitare d'Allison vers Un Annapurna d'environ 4 minutes (la chanson la plus longue de l'album). L'accord voix- guitare est particulièrement bien organisé, alternant modulations et pics réciproques. Cela fait plaisir de voir des collègues qui s'écoutent et se connaissant depuis si longtemps. "5 O'ClockIn The Morning", se finit au petit matin, comme les dernières heures de la nuit qui s'évanouissent avec la basse serpent de Maya Ford.
Les filles sont reparties aussi vite qu'elles étaient venues, laissant tout le monde en état de choc, les tympans crevés et les yeux luisant de gratitude. Vivement le week end prochain.

L'album est terminé, et on est bien content, pas que la musique s'arrête, non, loin de là.
On est juste satisfait d'avoir écouté un très bon album. Car, après tout, c'est un peu ça un album FM, c'est se payer le luxe de ne pas réfléchir, pour une fois.



PS: Le titre de l'album "Spend The Night" est à ne pas confondre avec le jeux en ligne Spend the Night qui est le théâtre de rencontres virtuelles "érotiques et sentimentales", destiné plus spécialement au public féminin. Spend a Night se veut le premier MMOG romantique pour adulte. Tout un programme...légèrement différent que celui que nous venons de traiter et que l'auteur aura jugé bon de préciser.